Signe n°4 : Vous activité est bâtie sur un champ de mines juridiques

Si vous jouez avec le feu, vous risquez de vous brûler. Cela paraît évident et pourtant un grand nombre de start-ups se sont ainsi désintégrées, le plus souvent en raison d’infortunes liées aux questions de droits. On peut citer Grooveshark, une start-up de découvertes musicales qui a réussi à durer 10 ans avant d’être rattrapée par ses oublis juridiques. « En dépit des meilleures intentions, nous avons fait de sérieuses erreurs », a concédé la société dans un mémo non signé annonçant sa fermeture. « Nous avons échoué à obtenir des licences des titulaires des droits pour la grande majorité des musiques que nous avions sur le service ». Les accords que Grooveshark avait conclus avec les maisons de disques l’ont obligé non seulement à fermer le service et à nettoyer ses serveurs, mais aussi à transférer tout ce que possédait la société (le site web lui-même avec toutes les apps, les brevets et les copyrights) aux détenteurs de droits floués.

Les choses n’ont pas été aussi terribles pour Exfm, un autre service de découverte musicale, mais les problèmes juridiques ont également joué un rôle clé dans sa décision d’éteindre la lumière. « Les défis techniques sont aggravés par le caractère litigieux de l’industrie musicale, ce qui signifie qu’au fur et à mesure de notre croissance, l’attention des maisons de disques se manifestait immédiatement sous la forme de mises en garde et d’emails juridiques », ont expliqué en 2013 les co-fondateurs, Dan Kantor, Marshall Jones et Jason Culler, dans un email à leurs abonnés.

Quant à la start-up de social streaming Turnable, un temps en vogue, elle a vécu un destin similaire tout en signalant qu’elle aurait dû faire plus attention aux problèmes rencontrés par ses prédécesseurs. « En fin de compte, je n’ai pas tenu compte des leçons provenant des échecs de tant de start-ups de musique », a avoué le fondateur Billy Chasen, dans un billet sur Medium en mars 2014. « C’est une aventure incroyablement coûteuse à poursuivre et une industrie avec laquelle il est très difficile de travailler. Nous avons dépensé plus d’un quart de notre argent en avocats, royalties et services liés au support de la musique ».

Signe n°5 : Votre produit dépend du service d’un autre fournisseur

On pourrait appeler cela « le point de défaillance unique », de l'anglais « Single point of failure ». Si votre activité repose sur le service d’un autre fournisseur pour fonctionner, on peut dire que vous cherchez les ennuis. Il y a eu quelques regrettables histoires de start-ups qui ont accroché leur wagon à Twitter et vu le tapis enlevé sous leurs pieds sans avertissement. L’exemple récent le plus marquant est celui de Twitpic. Le service de partage d’images, jugé indispensable pendant un temps s’est heurté aux ambitions croissantes de Twitter et s’est retrouvé engagé dans une bataille qu’il ne pouvait pas gagner, selon la missive de départ publié par la société sur son blog. « Twitter a contacté notre département juridique pour demander que nous abandonnions la marque déposée de notre application au risque de perdre l’accès à leur API. Ce fut un choc pour nous dans la mesure où Twitpic existe depuis début 2008 et que notre marque déposée a été enregistrée à l’USPTO [l’office américain de dépôt de brevets] en 2009 ».

D’autres créateurs de start-ups ont subi une volte-face de Facebook. Ce fut le cas de Lookery, une société de marketing dont l’activité s’appuyait sur les données des réseaux sociaux. « Nous nous sommes exposés à un point de défaillance unique », pointe son co-fondateur Scott Rafer dans un billet en 2009. « De façon prévisible et raisonnable, Facebook a agi dans son propre intérêt plutôt que dans le nôtre ». Il explique que sa start-up « aurait pu et aurait dû » utiliser ses propres ressources pour établir un certain niveau d’indépendance plutôt que de continuer à investir dans la plateforme de Facebook. Un sentiment similaire a été exprimé par PostRocket, une société qui avait entrepris d’aider ses clients à gagner davantage de fans dans le jardin virtuel de Mark Zuckerberg. « Nous aurions pu et aurions dû faire mieux en vous apportant un produit fiable progressant au même rythme que le paysage marketing de Facebook », confessait en août 2013 le co-fondateur de la start-up Tim Chae. Tout en informant ses clients de l’arrêt de son service, il leur suggère en fait l’alternative de se tourner vers le nouvel outil analytique de Facebook, allant jusqu’à dire que le produit surpasse tous les autres services. Un parfait résumé du danger associé aux tentatives de combler les manques dans un service existant.

Certaines ont évité la fermeture, mais ont dû réduire leurs services

D’autres start-ups, qui n’ont pas été obligé de mettre définitivement la clé sous la porte, ont évoqué la difficulté de tenir le rythme face à des fournisseurs de services qui modifiaient régulièrement leurs API. C’est un exercice plutôt éprouvant de leur emboîter le pas quand vos propres fonds sont limités. La firme de marketing Argyle Social cite ce facteur parmi les causes de son échec. « Pour de petites structures, c’est difficile de suivre la cadence de Facebook et Twitter », a confié Adam Covati, fondateur d’Argyle, au site VentureBeat. « A chaque fois que les réseaux sociaux changent leurs API, cela représente beaucoup d’efforts de développement pour les outils tiers. (…) Nous pouvions voir qu’à long terme, nous aurions du mal à rester concurrentiel face à l'éventail de fonctionnalités de certains de nos concurrents ».

Le service de partage de chansons This Is My Jam a fait un constat identique. Dans un billet sur Tumblr publié cet été, Matthew Ogle et Hannah Donovan, deux de ses fondateurs, déplorent les ruptures intervenues dans les services sur lesquels le leur s’appuyait. « Nous interopérons avec YouTube, SoundCloud, Twitter, Facebook, The Hype Machine, The Echo Nest, Amazon et d’autres », énumèrent-ils.

Ce « point de défaillance unique » peut même venir d’un détail apparemment anodin comme les fonctions de recherche. Ainsi, pour attirer ses clients, une start-up du nom de Tutorspree a tout misé sur les fonctions de SEO (search engine optimization). Et quand le vent a tourné, elle s’est retrouvée perdue au beau milieu de l’océan sans même un gilet de sauvetage en vue. « Nous dépendions d’un seul canal et celui-ci nous a réorienté radicalement et soudainement », explique le co-fondateur Aaron Harris sur son blog en janvier 2014. Il peut se produire qu’un seul canal contribue à faire croître une entreprise très rapidement, mais les risques associés à ce canal unique sont importants et augmentent avec la taille de la société en question, résume Aaron Harris. Et il n’est pas nécessaire d’avoir des relations compliquées avec le service sur lequel on s’appuie, comme Yelp avec Google, pour sentir le danger de tels arrangements.