L'astuce permet d'obtenir des communications en full-duplex, et donc d'envoyer et de recevoir des données simultanément sur la même fréquence, ce qui était, pensait-on jusqu'à présent, physiquement impossible. Le spectre radioélectrique étant de plus en plus encombré, la recherche visant à augmenter la vitesse sans avoir besoin de fréquences supplémentaires, est devenue une sorte de Graal de l'ingénierie électrique. Quand un dispositif radio est en transmission, ses émissions sont trop fortes pour lui permettre de recevoir des signaux. C'est comme deux personnes en conversation : si l'une parle, il lui est impossible d'entendre ce que l'autre dit. Chacun doit parler à tour de rôle. Et jusqu'à aujourd'hui, c'est sur ce mode que les transmissions radio ont fonctionné.

Le procédé autorisant le doublement des vitesses consiste à utiliser un système de réduction de bruit, comme ceux que l'on trouve dans les casques audio. Le dispositif de transmission sait exactement ce qu'il envoie. Il peut donc filtrer les émissions sortantes de manière à entendre les fréquences entrantes plus faibles. C'est ainsi qu'on arrive à avoir des communications bidirectionnelles sur une même fréquence. « Les ouvrages de référence disent que ce n'est pas possible à réaliser, » dit Philip Levis, l'un des chercheurs appartenant à l'équipe d'inventeurs, et par ailleurs professeur adjoint en sciences informatiques et en ingénierie électrique à Stanford. « Le nouveau système remet complètement en question nos hypothèses sur la manière de concevoir des réseaux sans fil. » L'an dernier, l'équipe de Stanford avait déjà montré son invention lors du MobiCom 2010, une conférence réunissant des experts en réseaux mobiles, et avait même remporté un prix pour « la meilleure démonstration. » Certains chercheurs leur ont dit qu'ils ne s'attendaient pas à ce que cela marche. Mais quand ils ont vu que c'était possible, ils ont trouvé ça tellement évident, qu'ils ont avancé que cela avait probablement déjà été inventé !

Encore un peu de temps en vue d'une standardisation


Il y a encore du chemin à parcourir avant que la technologie n'apparaisse dans les équipements grand public ou professionnels. Les chercheurs continuent à travailler pour améliorer leur invention, en particulier pour augmenter les distances auxquelles fonctionnent habituellement les réseaux sans fil classiques. En outre, les réseaux sans fil reposent sur des normes qui ont été adoptées par l'ensemble des fabricants, ce qui permet d'utiliser par exemple un ordinateur portable Dell avec un routeur D-Link. Ces normes sont contrôlées par l'Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE) et l'invention devra être approuvée par le groupe de travail 802.11, avant d'être hissée au rang de standard. Cela prendra probablement plusieurs années, mais ce délai pourrait être réduit par le fait que l'invention ne nécessite pas de réserver de nouvelles fréquences.

L'équipe cherche également à breveter son invention, ce qui pourrait limiter les implémentations de la technologie et la réserver à des fabricants qui peuvent se permettre de payer des droits pour l'utiliser. Si bien que cette technologie pourrait faire son apparition dans les futurs appareils WiFi en option, comme extension des normes sans fil existantes. Ces modalités ne sont pas exceptionnelles chez les fabricants d'appareils sans fil. Et il est facile d'imaginer une société comme Apple payer pour utiliser cette technologie à utiliser dans sa station AirPort et ses ordinateurs, par exemple, afin de doubler la vitesse des réseaux sans fil de ses appareils et donner à ses produits un avantage concurrentiel.