Le rapport Lagayette sur le devenir du territoire de Saclay-Orsay, remis au ministère de la recherche il y a quelques jours, est préoccupant. Le sud de l'agglomération parisienne dispose en effet d'atouts indispensables pour pouvoir devenir l'un des pôles d'excellence scientifique mondiaux, en accueillant de nombreux centres de recherche et d'enseignement supérieur mondialement reconnus, ainsi que d'importants équipements scientifiques. Ce territoire est partie prenante de trois pôles de compétitivité de dimension mondiale : Systematic, Medicen, et Moveo. Ses laboratoires participent à trois des treize RTRA (Réseaux thématiques de recherche avancée) : Triangle de la Physique, Digiteo Labs et Neurosciences. Enfin, le gouvernement a décidé le transfert de l'Ecole Nationale Supérieure des Techniques Avancées et de l'Ecole Nationale de la Statistique de l'Administration Économique sur le site de l'Ecole Polytechnique. C'est avec l'objectif de faire du pôle Saclay-Orsay un territoire mondialement reconnu que le Premier ministre avait confié à Philippe Lagayette (PDG de JP Morgan France et président de l'Institut des hautes études scientifiques) une mission de recensement et de programmation des équipements nécessaires. L'état des lieux est critique. Dès l'introduction en effet, l'analyse de Philippe Lagayette est sans ambiguïté : « Il est clair que des améliorations très sensibles ont été enregistrées depuis deux ans, en particulier par les progrès de la coopération entre les acteurs scientifiques. Mais l'urgence, liée à la compétition internationale, est elle aussi en croissance. L'organisation des multiples acteurs du territoire, toujours tributaire du contexte français traditionnel, est encore trop complexe. Il faut donc accélérer les efforts entrepris si l'on veut éviter que la dynamique retombe et que l'occasion de s'imposer parmi les principaux pôles d'excellences européens soit perdue. » Le problème ? Trouver les voies pour que les débouchés technologiques se concrétisent Certes, si l'aspect scientifique n'est pas remis en cause, le rapport indique de graves manques, notamment sur le plan des relais économique : « le problème n'est plus de concevoir mais de trouver les voies pratiques pour que les débouchés technologiques se concrétisent. » Et Lagayette d'enfoncer le clou : « Le territoire de Saclay n'a pas pour le moment l'image d'une zone d'activité économique intense. Le décalage avec le potentiel scientifique est net (...) Il ne s'agit donc pas de créer quelque chose de radicalement nouveau, mais de changer radicalement d'échelle. Rappelons d'abord que l'interface entre économie et recherche passe par de multiples canaux, formels ou informels. Bien sûr, ils doivent tous continuer à fonctionner et il faut les multiplier. Ce n'est donc que pour simplifier l'exposé que l'on distinguera deux grands aspects de l'action à entreprendre : attirer sur le territoire des laboratoires privés et des entreprises ; favoriser la création d'activités économiques nouvelles à partir d'idées nées dans les laboratoires. » Inventer des clusters à la française ? La critique d'un maillage territorial déficient est à peine voilée, le modèle du « cluster » anglo-saxon (regroupement sur un même site d'entreprises liées à des pôles de recherche) pris en exemple. Et que dire de l'interconnexion des établissements, que l'on pourrait croire acquise, mais qui, dans les faits, est loin d'être systématique ? « L'installation de réseaux de communication à haut débit interconnectés entre les établissements du territoire et en liaison avec le reste du monde est également une condition indispensable de la poursuite du développement scientifique. Les établissements qui ne seront pas connectés aux réseaux de communication à très haut débit se trouveront isolés. » En creux de la démonstration, il faut s'interroger sur les pôles de compétitivité, PRES et autres RTRA, si ces structures qui dévorent les sommes budgétaires allouées ne donnent aucun résultat concret. Philippe Lagayette préconise donc des investissements et une refonte économique. L'Etat semble avoir pris en compte ses demandes. Ainsi plus de 20 projets scientifiques ont été inscrits au CPER (Contrat de projet Etat-Région) représentant plus de 220 millions d'euros de financement. Mais ce n'est pas suffisant, et l'économique doit maintenant prendre le relais : « Sur tous ces éléments, des progrès décisifs devraient être faits au cours de cette année. Car le temps presse. Même si beaucoup de chemin a été parcouru en peu de temps, après une longue période d'hésitation, la compétition mondiale s'accélère aussi, et les retards pris seraient très difficiles à rattraper, » conclut Philippe Lagayette. Sur le même sujet : Digiteo: la recherche en informatique a désormais un nom Ingeniérie@Lyon: Sous label Carnot, un potentiel de recherche et d'innovation ouvert aux PME Les gazelles, partenaires de recherche publique vont très loin dans l'innovation