Aux Etats-Unis, les chercheurs ont développé des circuits intégrés qui peuvent se coller sur la peau à la façon d'une décalcomanie et, dans certains cas, se dissoudre dans l'eau quand il n'est plus nécessaire de les conserver. Ces puces biologiques, portées confortablement sur le corps, aident à diagnostiquer et à traiter certaines maladies, a expliqué John Rogers, professeur en sciences des matériaux à l'Université de l'Illinois, à Urbana-Champaign, qui a décrit la recherche au cours d'une conférence de l'IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers), qui se tenait hier à San Francisco. Avec ses étudiants, il travaille au carrefour de la biologie et de l'électronique, expérimentant éléments et mélanges pour parvenir à des systèmes électroniques épidermiques légers et flexibles, mais pouvant également tenir suffisamment longtemps pour être portés comme une deuxième peau.

Les circuits sont si fins que lorsqu'ils sont enlevés du corps, ils se présentent comme une couche de peau morte, avec un enchevêtrement de fils que l'on découvre au microscope. Des circuits similaires pourraient un jour entourer le coeur comme un péricarde électronique pour corriger des irrégularités telles que l'arythmie, estime John Rogers.

Comme un tatouage, avec des fils noyés dans la surface

Le silicium est généralement trop rigide pour s'adapter au corps humain, mais sous la forme d'une couche de l'ordre d'un nanomètre d'épaisseur, ou d'un milliardième de mètres, il se devient une membrane souple qui peut être pliée ou déformée, indique le professeur en sciences des matériaux. Il reste fragile, cependant, ce qui nécessite de le placer sur un substrat de type caoutchouc qui le renforce. Mais il ne s'étirera toujours pas. Les chercheurs ont donc placé les circuits dans des structures nervurées qui peuvent se desserrer et se resserrer en accordéon.

Les circuits peuvent s'appliquer comme une décalcomanie, a décrit John Rogers, en y appliquant une fine pellicule soluble. Le circuit ainsi déposé présente une épaisseur de 5 microns et peut s'étirer de 30%, suivant les mouvements de la personne qui le porte. Lors de sa présentation, le professeur a relevé ses manches et, à l'aide d'un microscope et d'un projecteur au-dessus de sa tête, il a montré l'un de ces circuits collés sur son bras. Celui-ci avait clairement l'apparence d'un tatouage, avec une masse de fils noyés dans la surface.

Des puces qui s'appliquent sur la peau (Université de l'Illinois)

Les chercheurs travaillent aussi sur des circuits « transitoires » se dissolvant dans l'eau lorsqu'ils ne sont plus utiles. Certains sont des variations des circuits précédents mais ils peuvent aussi prendre d'autres formes. On s'est aperçus que le silicium était soluble dans l'eau lorsqu'il était découpé très finement et une couche de silicium de 35 nanomètres se dissout en deux semaines environ, a assuré John Rogers, lors de la conférence de l'IEEE. Le substrat peut être fait de soie, de magnésium, en dioxyde de silicium ou dans un autre matériau qui se dissout de la même façon lorsqu'il est suffisamment fin. 

Recherche sur des puces se dissolvant dans l'eau

Pour la démonstration, le chercheur avale un oscillateur RF

Les circuits solubles comportent moins de silicium, de magnésium et d'autres minéraux qu'il n'y en a dans l'un de ces comprimés de vitamines que l'on peut prendre quotidiennement. Il ne présente donc pas de danger pour la personne qui le porte. Pour illustrer ce point, le professeur en sciences des matériaux a présenté et avalé un minuscule oscillateur radiofréquence de 5 millimètres de diamètre.

L'une des applications possibles de ces systèmes électroniques solubles est la prévention des infections qui apparaissent aux endroits où ont été pratiquées des interventions chirurgicales. L'un d'eux pourrait être implanté dans la plaie et programmé pour émettre des pointes de chaleur qui suffiraient à tuer les bactéries. Puisque le dispositif se dissout, il n'est donc pas nécessaire de pratiquer une intervention complémentaire, et donc de risquer une éventuelle infection, pour l'enlever.

Les systèmes électroniques solubles pourraient aussi être utilisés en dehors de la sphère médicale, par exemple, à des fins environnementales. On peut imaginer, en cas de fuite de déchets toxiques, de poser des capteurs solubles qui se désagrégeraient à l'issue du problème. Ils pourraient aussi être utilisés dans l'électronique grand public pour réduire les déchets à traiter.

John Rogers, professeur en sciences des matériaux, Université de l'Illinois
Pour son travail en bio-électronique, John Rogers a reçu en 2011 le prix Lemelson-MIT, d'un montant de 500 000 dollars.