Dans le monde du logiciel d'entreprise, les remises sur les volumes n’ont rien d’exceptionnel. En prévision des échéances de contrat, Salesforce a approché de bonne heure ses clients pour leur proposer des remises supplémentaires très conséquentes s’ils acceptaient de renouveler par avance leur abonnement à la suite CRM.

L’information publiée hier par The Register s’appuie sur le rapport d’une source anonyme qui conseille les entreprises sur les licences Salesforce. Selon le rapport, la remise peut atteindre 25 % et s’ajoute à la réduction accordée normalement par Salesforce sur les volumes. Mais celle-ci est réservée uniquement aux clients qui signent à la fois pour Sales Cloud, Marketing Cloud et pour les services de consulting du fournisseur. Le rapport indique aussi que le fournisseur de CRM a approché ses clients jusqu’à neuf mois avant l'expiration de leur contrat SaaS en cours afin de verrouiller les abonnements. Cependant, quand ces nouveaux contrats arrivent à leur terme, le prix revient à la normale et il peut même subir une augmentation de 5 % par an.

Des pratiques confirmées

Mark Benioff, le CEO de Salesforce, avait déclaré qu’il voulait que l’entreprise affiche la plus forte croissance du secteur et génère 10 milliards de dollars de revenus annuels. Salesforce a refusé de commenter le rapport. « Nous respectons la confidentialité de nos échanges avec nos clients et nous ne faisons aucun commentaire sur les accords contractuels », a déclaré le fournisseur par courriel. « Ces pratiques existent », a déclaré de son côté Liz Herbert, vice-présidente de Forrester Research. « Les remises accordées par Salesforce varient considérablement en fonction de différents facteurs, par exemple la version achetée, la nature des modules inclus, le nombre d'utilisateurs et le temps d’usage », a-t-elle ajouté. « Les clients qui achètent beaucoup de fonctionnalités ou s’engagent sur un nombre élevé d'utilisateurs peuvent obtenir les plus grosses remises, souvent proportionnellement très importantes », a-t-elle déclaré.

Un client de Salesforce interrogé par Liz Herbert a expliqué qu’au départ il voulait un contrat pour 1000 utilisateurs environ. Mais en choisissant un engagement sur un plus long terme, ce volume est passé à près de 10 000 utilisateurs. « En optant pour 10 000 utilisateurs à la signature du contrat, Salesforce lui a accordé un rabais très incitatif par rapport à l’offre initialement discutée », rapporte-t-elle. « La remise était si importante qu’après quelques calculs, le client a constaté que l’offre était plus intéressante pour l’entreprise dans la mesure où il pensait atteindre le volume d’utilisateurs d’ici trois à quatre ans ». Néanmoins, Liz Herbert conseille de ne pas se laisser systématiquement séduire par ces remises. « Si l’entreprise n’a pas besoin des fonctionnalités offertes ou si elle est loin d’atteindre le volume en nombre d’utilisateurs, elle prend un gros risque en signant, car il lui sera difficile, voire impossible, de réduire le contrat après coup », a-t-elle déclaré.

L'anticipation est une arme à double tranchant

« Ces pratiques ne sont pas différentes de celles couramment employées par les éditeurs de logiciels traditionnels jusque-là », fait remarquer Frank Scavo, président du cabinet de consulting IT Strativa. « L’architecture du Software-as-a-Service est différente des systèmes sur site, mais souvent les fournisseurs de SaaS se comportent comme les anciens acteurs, même s'ils prétendent avoir modifié leurs pratiques », a ajouté Franck Scavo. « Si je devais donner un conseil aux acheteurs de logiciels, que ce soit en mode SaaS ou en licence traditionnelle, c’est de ne pas acheter des services dont elles n’ont pas une utilité immédiate, uniquement parce que le vendeur propose une remise. Je leur conseillerais aussi de ne pas payer à l’avance pour ces services et de demander à ce que le contrat indique précisément les augmentations qui s’appliqueront au moment du renouvellement ».

« Cette stratégie permet à Salesforce de faire le plein pour sa gamme de produits. Elle a également une certaine logique, dans le sens où elle pousse les clients à penser les processus de façon globale », a estimé Denis Pombriant, gestionnaire principal du Beagle Research Group. Par exemple, un grand nombre d'entreprises qui utilisent uniquement l’outil d’automatisation des ventes SFA de Salesforce « auront du mal à profiter pleinement des avantages de l'automatisation des processus, si elles n’ont pas par ailleurs un outil marketing », a-t-il expliqué. « On peut dire la même chose des services ». Bien sûr, « Salesforce doit boucler son année fiscale. Cela peut aussi expliquer en partie ces pratiques », a-t-il ajouté.