Didier Lombard, PDG de France Télécom - Orange anticipe la "deuxième vie des réseaux". Auteur de l'intéressant ouvrage paru en mai "Le village numérique mondial", il se fait l'apôtre d'une redistribution des cartes de ce qu'est devenu aujourd'hui Internet. Dans une interview accordée à notre confère l'Expansion, il n'hésite pas à comparer Internet à un super-coucou qui aurait fait gratuitement son nid - et son beurre - sur les réseaux télécoms existants. Dans la foulée, il dénonce l'appropriation de la valeur générée par la couche intermédiaire des "fournisseurs de service" qui se place entre les opérateurs de réseaux (comme France Télécom) et les créateurs de contenu. Avec Google comme archétype. L'appellation englobe aussi, par exemple, les sites sociaux. Presque tous Américains, ces fournisseurs de services occupent des positions dominantes et, pour la seule Europe, vont drainer cette année 7 milliards d'euros en recette publicitaire. La somme atteindra 10 milliards dans deux ans. Des risques pour les opérateurs européens face aux géants américains Didier Lombard réclame que les opérateurs de réseaux puissent « participer au 'festin' de la couche des services ». Tout en expliquant que le déploiement nécessaire de la fibre optique pour répondre à la demande croissante de débit doit s'accompagner d'une meilleure rétribution des opérateurs réseaux, il a la finesse d'évincer élégamment le sujet sulfureux de la mise en place d'un Internet à deux vitesses. Apparemment plus visionnaire que ses prédécesseurs, Didier Lombard déplore aussi la concentration des grands datacenters entre les mains des sociétés américaines. L'Europe en manque cruellement. Jean-Michel Planche, spécialiste des technologies Internet et défenseur de la neutralité du réseau des réseaux partage une bonne partie de l'analyse de Didier Lombard. "Elle est plutôt raisonnable", constate celui qui fonda Oléane en 1989, le pionnier français de l'Internet professionnel, avant de le vendre à FT à la fin des années 90 et de fonder Witbe. Aujourd'hui, les deux hommes semblent partager une même inquiétude sur le risque des dépendances des Européens vis-à-vis des poids lourds américains du Net et de leurs infrastructures.