La Silicon Valley et San Francisco constituent toujours le poumon technologique et innovation de la cote Ouest des Etats-Unis (New York pour la côte Est) et fait toujours autant rêver les Français. On ne compte plus en effet plus les armées d'ingénieurs, informaticiens, développeurs et autres spécialistes en big data et sciences de la donnée à avoir franchi l'Océan Atlantique pour aller vivre - et travailler - dans l'un des endroits les plus prisés au monde. Et cela peut se comprendre, tant le cadre de vie apparaît attrayant, mêlant paysages de carte postale, Venture capital et un nombre impressionnant de pépites IT au kilomètre carré. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la rédaction du Monde Informatique part plusieurs fois par an, tout récemment encore, à la rencontre des start-ups - et des entreprises d'âge plus respectables - spécialisées dans des technologies pointues (stockage objet, data wrangling, hyperconvergence...). 

Ce fol attrait des Français pour les Etats-Unis en général et le couple San Francisco / Silicon Valley est-il une opportunité ou une menace pour la France ?  La question se posait il y a 20 ans, elle est encore d'actualité aujourd'hui même si l'Hexagone dispose sans doute aujourd'hui plus d'atouts qu'auparavant. « On a plein d'atouts, de codeurs et d'ingénieurs à l'intersection de la technologie et de l'art, du design », a expliqué à l'occasion d'un débat organisé au Hub de Bpifrance mercredi matin Axelle Tessandier, fondatrice de l'agence de communication Axl Agency qui a séjourné 6 ans à San Francisco. « On a beaucoup de cartes à jouer en termes de culture et d'innovation. Je ne crois pas que l'on sera une nation innovante si on fait une génération de codeurs ». 

Trois axes pour réussir son projet

Reste que ce qui fait aujourd'hui la différence entre une start-up successful et une autre c'est la qualité du code et donc celle des développeurs. La meilleure idée au monde restera lettre morte si elle ne réconcilie pas la vision du business, la qualité des développeurs et une bonne gestion. On peut par exemple citer Cloudwatt en contre-exemple : le marché du cloud n'était pas là, le développement de la plate-forme OpenStack n'était pas à la hauteur et l'argent des actionnaires (public et privé) a été carbonisé alors que les ventes - adossées à un business fantaisiste - étaient nulles... On peut aussi parler de Viadeo et de sa couteuse aventure chinoise financée par Bpifrance (18 millions d'euros) avant son placement en redressement judiciaire.

L'ambiance est particulièrement studieuse chez Zuora à San Mateo.

Jean Bourcereau, managing partners chez Ventech explique de son coté : « On n'aura pas les mêmes écosystèmes en Chine ou aux Etats-Unis ou en France. Dans la compétition mondiale on est meilleur quand on a des leaders plutôt que des followers et en France on peut compter sur Schneider et Legrand ». Si la question de la fuite des cerveaux ne date pas d'hier, il semblerait par ailleurs que l'on a également atteint un plafond en termes d'attractivité. « Si la Californie reste une bulle dans le monde, la réalité est qu'il n'y a plus d'avantage à aller habiter dans la Silicon Valley », a lancé de son côté Bertrand Diard, président et CEO d'Influans et ancien fondateur de Talend. « La vie est dure là-bas, à côté à Paris on passe pour des enfants de coeur. » Une réalité de terrain qui a de quoi tiédir les ardeurs de ceux résumant la Californie à la simple addition soleil + dollars.

Participer à l’éclosion d’un géant français de la tech

Pour tenter de faire passer la pilule (horaires à rallonge, disponibilité élastique, jours de repos au compte-goutte…) les sociétés américaines ont pris certaines dispositions pour tenter d’insuffler une atmosphère infantilisante dans leurs locaux. Une stratégie simple mais efficace pour pousser les collaborateurs à y rester le plus possible ! Après tout on n’attrape pas les geeks avec du vinaigre… Mais si baby-foot, bornes d’arcade, distributeurs de boissons et de friandises gratuits et ambiance cosy sont bien souvent présents et constituent assurément des éléments de la stratégie de mieux-vivre-pour-travailler-plus-longtemps-au-travail, ils ne constituent que la pointe de l’iceberg. Le gros du morceau et principal levier de motivation étant l’intime conviction d’avoir rejoint l’entreprise qui pourrait bien être - si ce n’est pas le Google ou le Facebook  - le Snapchat ou le Pinterest de demain.

Les start-ups de la Silicon Valley ne démarrent pas toutes à potron-minet, ici Thoughspot à Palo Alto.

En France, l’enjeu est maintenant et plus que jamais de prouver aux ingénieurs, informaticiens, datascentists français que ce rêve est également accessible à Lyon, Strasbourg, Reims, Lille, Nantes, Toulouse, Aix-en-Provence ou Orléans. « Il faut raconter et mettre plus en avant nos propres talents comme Criteo ou Sigfox. La communication autour de la réussite, ce n’est pas vulgaire », a lancé Axelle Tessandier. Reste à savoir si le message saura séduire nos talents qui sont plus d’un à répondre présent à l’appel de la Silicon Valley, de Berlin, de Londres ou Tallinn.