Les sénateurs ne sont pas contrariants. Alors qu'il avait fallu une bonne cinquantaine d'heures de débats pour que les députés achèvent, après deux lectures, leur examen du projet de loi Création et Internet, les élus de la chambre haute n'ont eu besoin que d'une matinée pour approuver le texte. Déjà, lors de la première lecture, les édiles du Palais du Luxembourg s'étaient montrés conciliants en votant le projet comme un seul homme à l'issue de débats tranquilles. Le second passage de la loi devant l'institution, ce mercredi, aura été une simple formalité, les élus s'étant contentés de déposer six amendements, rapidement rejetés. Au final, 189 sénateurs ont voté en faveur du projet de loi dans des termes identiques à ceux approuvés hier par l'Assemblée nationale. Les élus du groupe socialiste (formé de membres du PS et des Verts), qui avaient joint leurs suffrages à ceux de la majorité lors de la première lecture, se sont, cette fois, abstenus, à l'exception de six d'entre eux. Une poignée d'autres sénateurs frondeurs a entaché le bel unisson de la chambre, portant le total des votes contre le projet de loi à 14. Le Conseil constitutionnel saisi par les députés socialistes En dépit de ces voix discordantes, le Sénat pave la voie à une application très rapide des mesures prévues par le texte, riposte graduée en tête. En effet, en prenant soin de ne pas modifier la version adoptée par les députés, les sénateurs évitent au projet de loi de reprendre la navette parlementaire. La promulgation de la loi, qui la rend exécutoire, n'est donc désormais plus qu'une question de semaines : seule la saisine du Conseil constitutionnel, d'ores et déjà annoncée par les députés socialistes, s'élève encore comme un obstacle face au texte tant décrié. La mise en oeuvre des mesures les plus critiquées prévues par la loi - suspension de l'abonnement, double peine, installation de logiciels mouchards, recours non suspensif - tient donc aux conclusions que rendront les Sages dans le mois qui suivra leur saisine. S'ils déclarent une disposition inconstitutionnelle, elle sera simplement abrogée. Plus tard, peut-être, le travail du législateur européen pourra également s'ériger en rempart contre la loi Création et Internet. Plusieurs conditions devront cependant être réunies : l'amendement 138 au Paquet Télécoms devra avoir été approuvé par le Parlement et le Conseil européens afin de se muer en directive prenant le pas sur les législations des Etats membres. Cet amendement, qui condamne en substance la suspension de l'abonnement à Internet par une simple autorité administrative, vise en réalité à prévenir toute atteinte aux droits fondamentaux. Pour qu'il ait une valeur contraignante, il faudra donc que l'accès à Internet acquière, soit par la voie jurisprudentielle, soit par un levier législatif, la valeur de droit fondamental.