Les députés procéderont demain, 12 mai, au vote solennel marquant l'achèvement de la deuxième lecture du projet de loi Création et Internet. Sans surprise, les débats ont abouti à une position très proche de celle de la commission mixte paritaire, retoquée le 9 avril à la désolation de la majorité. Comme prévu, donc, les élus de la chambre basse ont fait preuve de discipline et ont repoussé un à un tous les amendements qui auraient pu assouplir les dispositions du texte. Notamment le principe de la double peine, qui oblige les internautes à payer leur abonnement à Internet lorsqu'il aura été suspendu par la commission de protection des droits de l'Hadopi, est conservé. De même, les députés ont consacré l'obligation de fait d'installer un logiciel de type pare-feu pour protéger sa connexion à Internet. Rappelons en effet que ce n'est pas le téléchargement qui est sanctionné par la loi en gestation, mais le manquement par l'internaute à l'obligation de sécurisation de sa connexion. Cette sécurisation, prévoit la loi, sera assurée par l'installation de logiciels dont la liste sera définie ultérieurement. Engoncés dans un obscurantisme dont ils ne veulent se défaire depuis les premières heures des débats, les députés ont repoussé les amendements qui prévoyaient l'interopérabilité et la gratuité de ces logiciels. Parallèlement à l'examen du texte par les élus du Palais Bourbon, et avant celui qui en sera fait par les sénateurs en milieu de semaine, une double polémique enfle. Elle concerne, en premier lieu, l'adoption par les parlementaires européens d'un amendement au Paquet Télécom prévoyant, en substance, que la coupure de la connexion ne saurait être décidée que par l'autorité judiciaire. Cette disposition, plusieurs fois approuvée par les eurodéputés au cours des derniers mois, s'inscrit en contradiction avec le projet de loi français, qui fait reposer les sanctions prononcées contre les internautes sur une simple autorité administrative. Dans un communiqué, le ministère de la Culture indique que « Christine Albanel prend acte du vote [du] Parlement européen, amendement qui n'a aucun lien direct avec le projet de loi Création et Internet et qui a pour seul effet d'en retarder l'adoption définitive. » Selon la ministre, l'amendement en question ne vise qu'à protéger les libertés fondamentales, or l'accès à Internet n'en est point une. L'autre controverse entourant le projet de loi concerne le licenciement du responsable du pôle Web innovation de TF1, Jérôme Bourreau-Guggenheim. Opposé à Hadopi, il avait fait part de ses critiques à sa député, Françoise de Panafieu, via un courriel. L'élue avait alors cru bon de transmettre le message au cabinet de Christine Albanel, qui l'avait à son tour communiqué à TF1. Sur son site, la première chaîne justifie le licenciement de son salarié par les prises de position de celui-ci, « contraires aux déclarations officielles du groupe TF1, notoirement en faveur de cette loi ». Du côté de la rue de Valois, le discours initial refusant toute implication dans ce licenciement a cédé la place à un bel embarras. Si la ministre n'a pas reconnu une quelconque responsabilité, un membre de son cabinet a néanmoins été suspendu.