La stratégie d'HP en matière d'acquisition portera particulièrement sur la business intelligence (BI), actuellement l'un des secteurs parmi les plus actifs de l'industrie, selon les analystes. Pour l'instant, HP ressemble à un « sandwich BI sans la tranche qui va au milieu », a déclaré James Kobielus, analyste chez Forrester Research. « Ils ont le matériel, ils ont les services, mais ils n'ont pas le logiciel », a-t-il ajouté. Mais, selon lui, cela va sans doute changer. « De toute évidence, HP va acquérir une grande marque déjà établie en pure player BI. »

Le nouveau patron de HP, auparavant CEO de SAP, où il a également occupé d'autres fonctions de direction (notamment la tête de la filiale française) , fait montre d'une certaine expérience en matière d'acquisitions dans le secteur de la business intelligence. Comme le rappelle James Kobielus, SAP avait dépensé près de 6,8 milliards de dollars pour racheter Business Objects en 2007. Selon lui, il existe certainement « une forte probabilité » que HP s'intéresse à MicroStrategy, « une bonne entreprise mondiale, qui offre de bons produits. » Mais, toujours selon l'analyste, « MicroStrategy s'est beaucoup focalisée sur des fonctionnalités essentielles de la BI, comme le reporting, devenues assez répandues, » a-t-il expliqué. De ce fait, il voit bien HP investir dans des niches de croissance comme le data mining et l'analyse prédictive, secteurs dans lesquels des vendeurs comme KXEN ou Angoss peuvent représenter des proies potentielles. Selon l'analyste, HP pourrait aussi être tenté par des vendeurs de technologies dont les produits seraient complémentaires de l'offre de BI, comme Informatica, spécialisée dans l'intégration de données. Teradata, leader mondial en matière d'entreposage de données et de développement de solutions analytiques, est une autre cible possible, d'autant que HP, propriétaire de la plateforme Neoview, a du mal à réaliser des percées majeures sur ce marché.

Jouer sur l'intégration verticale

Mais, pour James Kobielus, « HP doit faire plus que simplement acheter une série de fournisseurs de logiciels ». Pour lui, l'entreprise tirera plus de valeur de ses acquisitions si elle regroupe produits et intégration avec d'autres éléments, en particulier avec sa propre technologie de gestion systèmes et serveurs. « C'est là son véritable atout, si elle décide de cette stratégie, » a-t-il commenté. D'après les observateurs, il semble peu probable que HP s'oriente vers des applications du genre ERP (enterprise resource planning). Presque immédiatement après la nomination de Léo Apotheker, nombre de spéculations ont laissé entendre que HP pourrait racheter ou fusionner avec SAP. « L'hypothèse selon laquelle HP pouvait entrer à court terme dans le secteur du logiciel suppose vraiment un grand saut par rapport à son coeur de métier actuel,» a estimé Paul Hamerman, analyste chez Forrester, qui suit de près le marché des ERP. Cela dit, « il existe de belles possibilités d'acquisition dans de grands marchés verticaux », comme le secteur de la santé en particulier. Oracle semble prendre la même direction, comme en témoignent les 685 millions de dollars dépensés plus tôt cette année pour acquérir Phase Forward, un vendeur de logiciels de tests utilisés dans les essais cliniques. « En réaction, HP pourrait bien choisir de faire quelques achats préemptifs dans le secteur de la santé », a souligné l'analyste.

Optimiser les processus intra-entreprise

Dans les prochains mois, la stratégie de HP pourrait aussi s'orienter vers la collaboration entre « réseaux d'entreprises agiles », que Léo Apotheker avait lui-même qualifié de « prochaine grande étape » dans une interview accordée à IDG News Service plus tôt cette année, avant sa prise de fonction à la tête de HP. « La prochaine grande étape, ce n'est pas tant l'optimisation des processus au sein d'une entreprise, que l'optimisation des processus intra-entreprise, et cela ne peut se faire que sur des plateformes collaboratives », avait-il alors déclaré. L'entretien coïncidait avec son entrée au conseil d'administration de GT Nexus, le concepteur d'un portail Cloud où les utilisateurs pouvaient partager des informations avec les clients et les partenaires de leur chaîne d'approvisionnement. Le CEO de HP est toujours répertorié comme membre du conseil d'administration de GT Nexus.

De son côté, China Martens, du cabinet d'études Groupe 451, ne se prononce pas sur l'éventualité de voir HP s'engouffrer dans le domaine du logiciel. Selon elle, l'entreprise pourrait décider d'aller plus loin dans l'automatisation de services, en récupérant «soit un ancien acteur, soit un pure player SaaS comme RightNow », a-t-elle déclaré. « Il reste aussi la question, plus ancienne, de savoir si HP pourrait accueillir Salesforce.com, ce qui lui offrirait une base solide dans le monde des applications et à Salesforce.com un accès à la puissance et à la force de vente, qui, comme elle l'a souvent dit, lui fait défaut. »

Illustration : MicroStrategy, crédit D.R.