Alors qu’IBM vient de dévoiler ses prototypes Power gravés en 10 nanomètres, Intel prévoit de produire ses premiers processeurs 10 nm « au cours de la seconde moitié de l’année 2017 », comme l’a déclaré le CEO Brian Krzanich mercredi. Jusqu’à présent, le fondeur n’avait pas fixé de calendrier pour la mise en production de sa future puce, mais de nombreux observateurs avaient estimé qu’il serait prêt l'année prochaine. Pour compenser ce retard, Intel a ajouté un autre design de puces à sa feuille de route que le fondeur livrera dans le courant du second semestre de l'année prochaine. Ce design, nom de code Kaby Lake, fabriqué selon le processus de gravure à 14 nanomètres actuel, sera « construit sur les bases » de Skylake, la dernière microarchitecture d'Intel, « mais avec des améliorations de performances », comme l’a précisé le CEO.

Ce changement pose un gros problème à Intel, et à l'industrie du PC et du serveur en général. Chaque nouveau processus de fabrication permet de produire des puces avec des transistors plus petits, plus rapides. C’est cette capacité à introduire régulièrement de nouvelles techniques qui a permis de résister à la loi de Moore. Ces dernières années, Intel a fait en sorte d’introduire alternativement une année sur deux un nouveau processus de fabrication et une nouvelle architecture processeur, avançant au « tic-tac » de l’horloge. En repoussant la production de sa puce 10 nm à 2017 et en ajoutant un nouveau design de puces à son calendrier, le rythme du fondeur passe pour la première fois à une cadence que certains qualifient de « tic-tac-tac ». Le processus de gravure à 14 nm actuel correspond au « tic », la microarchitecture Skylake correspond au « tac », et Kaby Lake sera le second « tac ».

Une loi de Moore vraiment très souple 

En évoquant les résultats financiers d'Intel, Brian Krzanich a fait remarquer que ce n’était pas la première fois que la loi de Moore était perturbée. Quand Gordon Moore a fait sa célèbre prédiction en 1965, il a déclaré que le nombre de transistors sur une puce doublerait chaque année pendant la décennie suivante. En 1975, il a revu sa prédiction en disant simplement que le nombre de transistors doublerait tous les deux ans. « Ces transitions font partie de l'histoire de la loi de Moore et ne sont qu’un aspect des défis techniques que doivent relever les fondeurs pour réduire la taille des transistors, l’autre corollaire étant qu’il doit être capable d’en assurer la production de masse », a déclaré le CEO. Selon lui, le rythme auquel Intel introduit de nouveaux processus de fabrication a déjà connu un ralentissement. « Il a fallu 2 ans 1/2 à Intel pour passer du processus de fabrication à 22 nm au processus à 14 nm actuel ». La valeur nanométrique fait référence à la taille des plus petits circuits gravés à la surface des puces. En déclarant que le processus de gravure à 10 nm serait prêt en 2017, Intel officialise néanmoins le fait que ces puces sortiront effectivement. Il le fait en partie pour conforter ses clients, les fabricants de PC, et les rassurer sur les perspectives à venir. « Nos clients veulent savoir sur quoi ils peuvent compter », a déclaré Brian Krzanich. « C’est aussi important que l’objectif ».

Le CEO n'a pas donné d’explication quant à cette modification de calendrier, mais il semble que les problèmes sont similaires à ceux que le fondeur a rencontrés avec le processus à 14nm, dont la mise au point avait également pris plus de temps que prévu. « Je dirais que les motifs sont assez similaires à ce que nous avons connu avec le 14 nanomètres », a-t-il déclaré. « Toutes ces technologies sont complexes, et chacun a sa propre recette pour résoudre les difficultés. La lithographie - le processus qui sert à graver les transistors sur les supports de silicium utilisés pour produire les puces - devient de plus en plus compliquée à mesure que l’on essaye d’en réduire l'échelle », a-t-il expliqué. Au passage, celui-ci a confirmé qu’Intel n'avait pas l'intention d'utiliser la technique de lithographie ultraviolet extrême (EUV) à 10 nanomètres. « Intel espère revenir à sa cadence de deux années pour passer du processus à 10 nanomètres au processus à 7 », a encore déclaré Brian Krzanich. Mais chaque processus est unique, et présente ses propres défis. Il est donc trop tôt pour dire ce qui se passera. « Nous allons nous efforcer de revenir à deux ans », a-t-il répété.