Contrairement à ses habitudes, le discours qu'a fait samedi Julian Assange à la conférence South by Southwest, qui se tient du 7 au 13 mars à Austin au Texas n'avait pas la tonalité habituelle. Le fondateur de l'association Wikileaks, à l'origine de la divulgation en 2010 de documents - télégrammes du Département d'État et documents secrets sur la guerre en Irak - qui ont changé le paysage politique de l'Amérique, s'est exprimé calmement et de matière assez neutre, même quand il a proféré des critiques très virulentes. « Qui porte la culotte dans l'administration Obama ? Les agences de renseignement ou les fonctionnaires ? », a-t-il ainsi demandé au public du SXSW au cours d'une conversation retransmise par Skype. De son point de vue, la réponse est évidente : la NSA, l'agence de sécurité nationale, est maître du jeu et elle est prête à rechercher et à exhumer tous les cadavres qu'aurait pu cacher le président Obama pour le pousser éventuellement hors de la Maison-Blanche, au cas où il tenterait de dissoudre l'agence.

Selon Julian Assange, qui s'exprimait depuis l'ambassade équatorienne de Londres où il a trouvé refuge depuis juin 2012, la NSA n'est pas une instance comme les autres. En général, quand une institution ou une personne s'oppose à l'administration, le gouvernement prend des mesures. Or, dans le cas de la NSA, cela ne s'est jamais produit. « Quelqu'un est mis à la porte, ou contraint de démissionner, poursuivi ou une enquête est lancée, des coupes dans le budget sont décidées. Or rien de tout cela n'est arrivé depuis les révélations d'Edward Snowden », a déclaré Julian Assange.

Le sujet de la surveillance, très discuté au SXSW

Traditionnellement, le festival South by Southwest consacre ses journées à des sujets plus légers. Mais cette année, le SXSW a accordé beaucoup d'intérêt aux révélations d'Edward Snowden sur les programmes de surveillance de la NSA. Mis à part Julian Assange, le salon a également invité le président exécutif de Google, Éric Schmidt, qui s'est exprimé sur la mise sur écoute de Google par la NSA. Les participants pourront entendre les interventions d'Edward Snowden et du journaliste Glenn Greenwald. Évidemment, l'ancien consultant de la NSA ne sera pas présent physiquement à Austin.

Le thème de la surveillance est donc omniprésent cette année. Mais si, comme le pense Julian Assange, la NSA dirige le jeu et si sa capacité à collecter des données est incontournable, alors de quels recours disposent les Américains pour riposter ou changer le système ? Le fondateur de Wikileaks continue de penser que le changement est possible. Il a rappelé le travail réalisé par des journalistes comme Glenn Greenwald et Laura Poitras qui ont aidé Edward Snowden à révéler les programmes PRISM et MUSCULAR. Il a également fait remarquer que pour continuer à accomplir leur devoir journalistique, ils avaient dû pour ainsi dire s'exiler. « Les journalistes qui travaillent sur la sécurité nationale sont des réfugiés d'un genre nouveau », a déclaré Julian Assange. « À une autre époque, ils n'auraient pas pu continuer à travailler. Aujourd'hui, pour faire leur travail, ils peuvent s'appuyer sur certains droits comme la liberté de circulation, la liberté de communiquer ».

Encore des révélations à prévoir

Mais, même pour des milliardaires comme le fondateur d'eBay, Pierre Omidyar, les programmes de la NSA sont un sujet de préoccupation. Son groupe de médias First Look Media récemment créé a pour objectif de contribuer à la « recherche de la vérité » et de « préserver et renforcer le rôle que le journalisme joue dans la société ». Il finance notamment le magazine en ligne « The Intercept » créé et dirigé par Glenn Greenwald, Jeremy Scahill et Laura Poitras. « La menace que représente la surveillance est si grave qu'elle touche des gens comme Pierre Omidyar », a déclaré Julian Assange.

À ce jour, moins de 1 % des documents récupérés par Edward Snowden ont été livrés au public. On peut donc s'attendre à d'autres révélations. Le fondateur de Wikileaks a déclaré que, dans un proche avenir, il prévoyait de livrer « des documents très importants », sans préciser à quel moment il comptait le faire. « J'évite de donner ce genre d'information. Cela permettrait à nos adversaires de se préparer », a-t-il dit.