En s'annexant SuccessFactors, spécialisé dans les logiciels de gestion du capital humain dans le cloud, SAP n'a pas seulement récupéré une offre de plus en plus populaire. Cette acquisition pourrait aussi permettre à l'éditeur allemand de réorienter l'ensemble de son portefeuille applicatif dans le cloud.

Le rachat de la société fondée par Lars Dalgaard (44 ans), pour 3,4 Md$, a été annoncé samedi dernier. Lorsqu'elle sera effective, au premier trimestre 2012, son PDG continuera à la diriger comme une division séparée. Mais le fondateur de SuccessFactors a également été retenu pour superviser l'activité cloud de SAP dans son ensemble.

Au cours des dernières années, SAP a eu un peu de mal à asseoir sa stratégie dans le cloud. L'offre de gestion intégrée (ERP) Business ByDesign a été lancée officiellement sur un nombre limité de pays. Avant d'être, peu après, mise en stand-by pour être retravaillée, l'éditeur ayant réalisé qu'elle ne pouvait pas être rentable sous sa forme d'origine. La cible de Business ByDesign a également été revue. Destinée au départ aux PME, elle vise aussi maintenant les filiales des grands clients de SAP. 

En dehors de ByDesign, SAP développe également une série d'applications on-demand axées sur des fonctions spécifiques : la gestion de la relation client ou les ressources humaines. Sur la récente conférence Sapphire, à Madrid, l'éditeur a rappelé qu'il préparait pour l'an prochain une solution de suivi du recrutement, Career OnDemand. Tel qu'énoncé, cette dernière devrait sans doute présenter des points de recouvrement avec l'offre correspondante de SuccessFactors. Il y a d'autres points communs entre les deux portefeuilles de logiciels : par exemple, entre l'outil de collaboration en ligne StreamWork de SAP et les fonctions de collaboration CubeTree de SuccessFactors. 

Le cloud, inscrit dans l'ADN de Lars Dalgaard

Dans ses nouvelles fonctions, Lars Dalgaard va devoir aussi prendre en compte la plateforme River, utilisée par SAP pour développer des extensions cloud légères pour ses systèmes ERP. Comment la stratégie cloud va-t-elle s'ajuster avec l'objectif déclaré de SAP de faire migrer ses produits vers la plateforme HANA de stockage des données en mémoire. Et avec les partenariats déployés entre SAP et des partenaires comme VMWare et Cisco sur les infrastructures de cloud privé.

Tout cela pris en compte, Lars Dalgaard a du travail en perspective pour réunir cet ensemble de technologies et de produits en une seule et même histoire. Mais il semble avoir de bonnes chances de pouvoir le faire. « C'est un gros travail », reconnaît l'analyste Ray Wang, PDG du cabinet Constellation Research. Mais « le cloud est inscrit dans l'ADN de Lars », ajoute-t-il, « ce qui devrait beaucoup aider ». Il rappelle que, jusque-là, les précédents dirigeants devaient faire le lien entre l'ancien et le nouveau monde. 

Le rachat de SuccessFactors va doper l'activité cloud de SAP, estime Bill McDermott, co-PDG du groupe allemand. « Nous pensons que Lars est, de beaucoup, le meilleur dirigeant [dans le monde du cloud] », a-t-il confié à nos confrères d'IDG News Service. SAP s'est ménagé une place sur le terrain de la mobilité avec un autre rachat important, celui de Sybase. Cela a du sens de faire la même chose avec les logiciels dans le cloud, considère Bill McDermott. « J'avais vraiment le sentiment que cela se passerait de cette façon-là. Ce n'est pas que nous n'ayons pas nous-mêmes des projets très intéressants. Mais clairement, le savoir-faire autour des services on-demand est différent. Nous aurions bien sûr pu le bâtir en interne mais nous voulions y parvenir rapidement ».

Un projet de 400 000 utilisateurs chez Siemens

SAP semble également avoir été impressionné par la capacité de SuccessFactors à remporter et tenir ses engagements sur des contrats majeurs, fait remarquer Ray Wang, de Constellation Research. L'analyste cite en particulier la mise en place d'un projet comportant 400 000 utilisateurs chez Siemens. « C'est l'un de ces projets sur lesquels ils ont barré la route à SAP. C'est toujours l'une des plus larges installations cloud ». Certes, ce sont des applications que l'ensemble des salariés ne vont utiliser qu'une fois par mois, tandis que les logiciels de gestion des ventes sont exploités quotidiennement par leurs utilisateurs. Mais, même dans ces conditions, imaginez ce que cela représente lorsque 400 000 employés s'en servent tous ensemble à la fin du mois ». 

Ce que confirme Lars Dalgaard. « La façon dont nous avons conçu notre architecture multitenant nous permet de supporter d'importants pics de trafic », explique le dirigeant en faisant référence à la mutualisation de l'application mise en oeuvre par la plupart des éditeurs proposant des solutions SaaS (software as a service), sur le modèle popularisé par Salesforce.com.