Même le Canard Enchainé s'en est mêlé, c'est dire ! L'accord passé entre Orange et Huawei sur le cloud public fait des vagues. Selon le journal satirique, une réunion s'est tenue à l'Elysée sur ce sujet au mois de décembre dernier : Orange n'aurait plus les faveurs des pouvoirs publics pour s'être allié à un fournisseur chinois. Nous avons demandé des explications aux trois protagonistes, Orange, Huawei et la Dinsic. Et seule cette dernière s'est mise aux abonnés absents en refusant de nous répondre.

Première question sensible, pourquoi Orange a-t-il discrètement officialisé son partenariat avec Huawei, par un simple communiqué diffusé en anglais ? « C'est une offre destinée aux entreprises internationales » explique Philippe Laplane, directeur général d'Orange Cloud for Business, filiale d'Orange Business Services, la branche entreprise de l'opérateur. « Elle sera disponible au premier semestre en Europe de l'Ouest et à Singapour ». En fait selon une source proche du dossier, l'accord qui devait être lancée en fanfare par Huawei à l'occasion du MWC de Barcelone a effrayé la direction d'Orange. Cette dernière a préféré freiner l'enthousiasme de son partenaire chinois en publiant un modeste communiqué de presse en anglais. Le partenariat remonte en fait à fin 2016 si on considère certains documents publiés par l'opérateur (voir ci-dessous).

Deux offres OpenStack au catalogue

La France est donc placée à l'écart de cet accord. « En fait, nous avons une offre principale, avec VMware et, comme l'open source est de plus en plus important, une offre OpenStack, avec Cloudwatt pour les besoins des entreprises françaises en France et une autre avec Huawei à l'international, pour accompagner les besoins des multinationales ». Philippe Laplane dément toute disparition de CloudWatt : « Ce n'est pas du tout à l'ordre du jour ». Une entreprise qui passe par OBS, pourrait donc utiliser les deux offres OpenStack. C'est la position officielle même si on ne comprend pas comment OBS va poursuivre le développement et la mise à jour de sa plate-forme OpenStack héritée de Cloudwatt. On se souvient des retards à répétition de cette dernière faute de compétences adéquates.

Deuxième sujet sensible, celui des appels d'offres du gouvernement. OBS avec Cloudwatt a été choisi par la Dinsic pour réaliser un projet de cloud public prévu sur deux ans. Ce projet aurait pris du retard. « C'est maintenant fini, le problème a été réglé au premier semestre 2016, assure Philippe Laplane, il venait de la couche réseau OpenContrail [le SDN open source de Juniper]». Reste une interrogation, que fera la Dinsic si elle procède à un deuxième appel d'offres sur une nouvelle tranche de cloud public ?  Sera-t-elle tentée d'écarter Orange du fait de ses liens avec Huawei ? « Nous répondrons à l'appel d'offres, on ne préjuge pas quel sera le choix de la Dinsic », note Philippe Laplane. Cet accord avec Huawei inquiète jusqu'à la communauté des entrepreneurs français du numérique à San Francisco comme nous avons pu le constater la semaine dernière...

OBS met en avant son expertise en sécurité

Le soupçon porté sur les liens avec son fournisseur chinois est balayé par l'opérateur, qui dispose d'équipes de sécurité importantes souligne Philippe Laplane et travaille avec l'Anssi en tant qu'OIV. « C'est OBS qui intègre la technologie Huawei dans ses propres datacenters, donc sur ses infrastructures de sécurité. Nous avons une très grosse expertise en sécurité du fait de notre activité d'opérateur. Nous avons mis en place nos propres infrastructures de sécurité firewall et nos Socs pour la supervision. Des garanties de sécurité pour nos clients ».

Un porte-parole de Huawei confirme, indiquant que l'équipementier chinois assure un simple support technique. Il replace également l'accord au plan international, rappelant que Deutsche Telekom et Telefonica ont également choisi Huawei. Une coïncidence ? « Nous ne nous sommes pas concertés, explique Philippe Laplane, mais les grands du cloud public américain ne veulent pas ouvrir leurs technologies aux telcos. Nous sommes donc passés par Huawei, maintenant il existe une alternative en Europe. On va se parler pour répondre au mieux aux besoins du marché, nous ne sommes pas en concurrence forte sur nos territoires respectifs ». T-Systems, filiale de Deutsche Telekom, est pourtant à l'offensive en France pour présenter son offre de cloud public, avec Huawei comme fournisseur OpenStack, en concurrence avec celle d'OBS qui vend, dans l'hexagone uniquement, l'OpenStack de Cloudwatt. Pour combien de temps encore ?