Ils nous avaient bousculés avec leur précédent livre, « Une presse sans Gutenberg », paru il y a cinq ans, une analyse sans ménagement de notre profession à l'heure d'Internet. Cette fois, les auteurs balayent plus large, pour livrer en 200 pages un portrait très élaboré de la « condition  numérique » : l'individu, la société, les technologies plongés dans un nouveau monde. Cette notion de rupture est à la base de ce deuxième ouvrage. L'individu (ou le client), les entreprises, les technologies entrent dans un monde nouveau avec ses nouvelle règles : le temps réel et l'immédiateté, l'effacement des frontières entre culture classique et culture populaire, la nouvelle compétition économique, la notion d'identité numérique et l'existence par le réseau.

Comment dominer ces nouvelles règles ? C'est au fond la question que pose cet ouvrage. Dans La Condition Humaine (*), paru en 1933, André Malraux a posé  celle de l'engagement, dans un contexte différent mais totalement mouvant, celui de la révolution à Shangaï. Dans La Condition  Numérique, Jean-François Fogel et Bruno Patino nous obligent à prendre du recul et réfléchir, individu ou entreprise, à notre nouvelle condition. Un peu intellectuel comme démarche ? C'est une évidence.  

Loin des ouvrages-minutes sur le Net, ses stars et ses techno, Jean-François Fogel et Bruno Patino donnent dans la philosophie internet. Un ouvrage proche de l'Age de la multitude paru l'an dernier. Les lecteurs pressés passeront leur chemin. Chaque chapitre est titré comme un grand roman. Sont cités au fil des pages des écrivains aussi prestigieux et inattendus que José Luis Borges, Jean Baudrillard, TS Eliot, Mario Vargas  Llosa, Primo Levi, Roger Caillois, Stendhal, Kundera, Nabokov et ... Saint-Augustin.

(*) La Condition Humaine d'André Malraux décrivait l'insurrection communiste à Shangaï et la notion d'engagement pour dépasser sa condition d'homme.