« L’accessibilité numérique doit être repensée alors que nous entrons dans l’ère des objets connectés avec une profusion de dispositifs mobiles et des acteurs qui s’investissent beaucoup », expose Dominique Burger, de l’UPMC-Inserm, président de Braillenet.org, en amont du 10ème Forum européen de l’Accessibilité numérique qui se tiendra le 30 mai 2016 à la Cité des Sciences et de l’Industrie de Paris. Cette année, le colloque va s’interroger sur la façon dont la multiplication des objets connectés qui s’infiltrent dans la vie quotidienne vont pouvoir faciliter la vie des personnes handicapées.

Consacré l’an dernier à l’accès à la connaissance et au livre numérique, il avait mis l’accent sur les évolutions technologiques dans les outils de formation et d’éducation, celles-ci amenant le W3C et l’IDPF* à collaborer sur les standards pour faciliter notamment la lecture mobile via le format ePub 3. « Cette première évolution a déjà bouleversé les choses. Désormais, avec le modèle connecté, l’informatique est partout et devient très souvent invisible, il est beaucoup plus difficile de définir le champ de l’accessibilité numérique », souligne Dominique Burger. Comment aborder alors le défi de l’IoT qui remet en cause les bonnes pratiques d’accessibilité IT, même si certaines d’entre elles peuvent être transposées.

Communication et auto-organisation au sein de l'IoT

Dans le domaine de la santé, par exemple, les vêtements connectés pourraient aider à suivre la rééducation des patients à distance, donnant des indications sur la posture et les mouvements. Sur un autre terrain, les postiers étudient dans plusieurs pays des services d'assistance à la personne s'appuyant sur les technologies. A la Cité des Sciences, le colloque réunira des acteurs intervenant dans la redéfinition de ce paradigme d’accessibilité : institutionnels, développeurs de technologie (comme Nokia et Withings), utilisateurs et chercheurs. Parmi ces derniers, Nathalie Mitton est par exemple responsable de l’équipe de recherche Inria FUN (Future Ubiquitous Network)  qui travaille sur les mécanismes de communication et d’auto-organisation des technologies IoT. 

« Nous faisons intervenir des acteurs très différents et très complémentaires pour voir où l’on en est et ce que cela implique pour les industriels avec la création de nouveaux services ; comment prendre en compte tous les besoins, comment les normes doivent évoluer », explique Dominique Burger. Du côté des utilisateurs, Steve Tyler, directeur de la stratégie de l’institut britannique RNIB (Royal National Institute of the Blind), exposera ses propositions de partenariats pour l’Internet des objets. Le poids de cette organisation de soutien aux aveugles a déjà conduit à plusieurs reprises les industriels à introduire des fonctions d’accessibilité dans leurs produits mobiles, à l'instar de Samsung et d'Apple (avec l'affichage en braille pour iOS notamment).

Paradoxe entre personnalisation des outils et protection des données

Les questions de respect de la vie privée seront également abordées. « Le paradoxe qui se pose, c’est la contradiction entre les besoins de personnalisation très forts pour les personnes handicapées et la protection des informations personnelles que l'on n'a guère envie de retrouver sur le cloud », pointe Dominique Burger en rappelant que les logiciels utilisés par les aveugles se connectent aux applications et récupèrent les données. Sur le colloque, Mathieu Cunche, maître de conférence à l’INSA-Lyon évoquera ces « mouchards de poche » et à sa suite Stéphane Petitcolas, de la CNIL, abordera les enjeux de vie privée associés aux objets portables communicants.

En fin de journée, des études de cas seront abordées dans la e-santé avec Marie-Christine Jaulent, directrice de recherche à l’Inserm, qui étudie la mise à profit de l’IoT. Interviendront aussi la start-up Withings qui développe des objets de santé connectés, et Imad Abdallah, responsable pour Aareon AG du projet européen i-stay@home qui met à profit les technologies pour limiter l’impact du vieillissement en réduisant l’isolement et l’invalidité des personnes âgées. « Le fil rouge du colloque, c’est l’accessibilité numérique des personnes handicapées, mais également celle des personnes âgées en réfléchissant à la façon dont les objets connectés dans un bâtiment permettent de rester plus longtemps chez soi ». Le mois dernier, un séminaire du G3ict avait traité des outils informatiques connectés aidant à l'utilisation des services bancaires.

*IDPF : International Digital Publishing Forum ; W3C : World wide web consortium