Dailymotion est un hébergeur et n'a pas à endosser les obligations inhérentes aux éditeurs de sites Web. C'est en substance ce qu'a indiqué, le 6 mai, la Cour d'appel de Paris, qui examinait le litige opposant la plateforme de partage de vidéos au réalisateur et aux ayants droit du film Joyeux Noël. Ces derniers reprochaient à Dailymotion la mise en ligne, par un utilisateur, du long métrage, et entendaient voir condamné le site pour contrefaçon. En première instance, le TGI de Paris avait en parti accédé à cette demande : tout en reconnaissant la qualité d'hébergeur de Dailymotion, les juges du fond avaient estimé que le site n'en était pas moins responsable du contenu mis en ligne. A ce titre, la plateforme avait été condamnée à verser 23 001 € de dommages et intérêts au réalisateur et aux ayants droit en réparation de la fourniture des moyens permettant la réalisation d'une contrefaçon. Une conclusion que n'a pas suivie la Cour d'appel, selon laquelle la décision de première instance méconnaît les dispositions de la LCEN (loi pour la confiance dans l'économie numérique). Les magistrats ont ainsi considéré que Dailymotion ne saurait être hébergeur et supporter dans le même temps la responsabilité juridique planant sur les éditeurs. « Les juges du fond avaient créé un statut hybride pour Dailymotion en présumant, sur la seule finalité de son activité - la mise en ligne d'une plateforme de partage de vidéos -, que des contenus illicites seraient publiés, précise Marc Schuler, avocat associé de Nixon Peabody, représentant le site Web. En essayant de reconnaître à Dailymotion le statut d'hébergeur sans en reconnaître le bénéfice, ils ont commis une erreur d'interprétation de la LCEN. » Une jurisprudence constante depuis un an La décision rendue en appel vient conforter une jurisprudence constante depuis le début de 2008, qui se fonde sur une application stricte des termes de la LCEN. Parmi les principes posés par les juges, l'hébergeur ne peut se voir imposer une obligation générale de surveillance et de contrôle du contenu mis en ligne. Reste à définir ce qu'est un hébergeur et ce qui le différencie d'un éditeur. La réponse est simple, explique Marc Schuler : « Il suffit de se demander qui est à l'origine de la mise en ligne du contenu. Si le prestataire technique est totalement passif, si l'internaute est le seul initiateur de la publication, alors le site est un hébergeur. Si, au contraire, il existe une intervention humaine pour classifier le contenu uploadé par la plateforme, alors le statut d'éditeur revient sur le devant de la scène. » En l'espèce, poursuit l'avocat, le fonctionnement technique de Dailymotion ne soulève guère de doute et en fait un véritable hébergeur. Du reste, « quand plus de 15 000 vidéos sont mises en ligne quotidiennement, parler d'une obligation de contrôle serait illusoire ». Finalement, les obligations inhérentes à un hébergeur concernent : - la possibilité, pour les utilisateurs, d'alerter de la présence de contenus odieux ou illicites ; - le retrait de ces contenus et l'empêchement d'une nouvelle mise en ligne ; - la conservation des données permettant d'identifier les utilisateurs. Soulignons pour conclure que le député Jean Dionis du Séjour, rapporteur de la LCEN, plaide pour une révision de la loi qui l'adapterait au Web 2.0. Selon l'élu, l'apparition des sites collaboratifs depuis l'adoption de la LCEN - en 2000 - impose une redéfinition par le législateur des définitions d'hébergeur et d'éditeur. L'édile, qui constate une « implosion en vol de la notion d'éditeur », préconise de repréciser avec davantage de sévérité ce qu'est un hébergeur.