Le conseil des ministres a examiné ce matin le projet de loi Création et Internet, qui vise à combattre le téléchargement illégal sur le Web. Un texte qui répond, selon Christine Albanel, la ministre de la Culture, à une urgence née du « pillage grandissant des oeuvres sur les réseaux numériques ». Nicolas Sarkozy lui-même a adoubé le catalogue des mesures en expliquant qu'il « n'y a aucune raison qu'Internet soit une zone de non-droit ». Si Christine Albanel se réjouissait, la semaine dernière, de la validation par le Conseil d'Etat de l'ensemble des options proposées par le gouvernement, nos confrères des Echos révélaient dans la foulée que le juge administratif avait en réalité retoqué certaines dispositions. La riposte graduée validée De fait, il apparaît que certaines des réserves exprimées par le Conseil d'Etat semblent avoir été entendues par le gouvernement. Ainsi, le mécanisme de la riposte graduée, qui vise à sanctionner les auteurs de téléchargements illicites en suspendant leur abonnement à Internet pendant un an au maximum, est-il désormais explicitement détaillé dans le projet de loi. Le Juge suprême déplorait que le texte initial ne détaillât pas les différentes étapes de la riposte graduée, suggérant implicitement que la suspension de l'abonnement pouvait être prononcée sans qu'un avertissement n'ait nécessairement été adressé auparavant. Le projet de loi prévoit en outre que les internautes sanctionnés pourront voir la durée de suspension de leur abonnement réduite s'ils acceptent une transaction avec la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi). En d'autres termes, une pénalité pourra être allégée à l'issue d'une négociation menée en dehors de toute sphère juridique. Cette privatisation du règlement des conflits ne constituera pas une grande surprise pour qui suit les prises de position exprimées depuis plusieurs mois par la ministre de la Culture, notamment sur le sujet de la riposte graduée. Néanmoins, et c'est là la deuxième admonestation exprimée par le Conseil d'Etat et suivie par le projet de loi, les sanctions prononcées par l'Hadopi pourront « faire l'objet d'un recours contentieux devant le juge judiciaire », et pas devant le tribunal administratif comme le prévoyait initialement le texte. Des questions encore sans réponse La présentation du projet tel qu'il a été examiné en conseil des ministres ne fait en revanche pas référence à d'autres points soulevés par le Conseil d'Etat, certains d'entre eux étant pourtant particulièrement importants. C'est notamment le cas du laps de temps qui séparera l'adoption de la loi et son entrée en vigueur. Le juge administratif se range aux côtés de l'Arcep pour exiger un délai d'application, arguant de ce que les nouvelles mesures feraient peser des obligations sur les FAI, pas nécessairement préparés à cela. Enfin, le Conseil d'Etat ne veut pas confier à l'Hadopi le pouvoir de mettre en place des mesures de filtrage, contrairement à ce que prévoyait initialement le projet de loi. Les commentaires du gouvernement à l'issue du conseil des ministres ne permettent cependant pas de savoir si cette réserve a été suivie. Un texte clairement inspiré par les industries culturelles Soucieuse de ne pas axer son discours sur le seul combat mené contre les internautes s'adonnant au téléchargement illégal, la ministre de la Culture a tenu à rappeler que son projet s'accompagne de promesses tenues par les industries culturelles. Celles-ci s'engagent notamment à « améliorer l'offre légale en mettant plus rapidement les films à disposition sur Internet [et à] retirer les dispositifs techniques de protection bloquant des productions musicales françaises ». Sanctions pour les internautes, simples engagements du côté des industriels, les mauvaises langues souligneront que la balance répressive penche essentiellement du côté des particuliers. Normal, rétorqueront d'autres mauvais esprits, le texte s'appuie sur les accords de l'Elysée, élaborés avec 47 organisations représentant les industries de la culture.