Il n'y a pas de recette miracle garantissant le succès des projets informatiques. Et si les méthodes agiles proposent une approche innovante et stimulante, en privilégiant des équipes réduites et autonomes ainsi que des itérations courtes capables de produire rapidement des exécutables, elles ne représentent pas par elles-mêmes une assurance suffisante. Il faut porter une attention soutenue aux aspects humains, a expliqué Véronique Messager-Rota, lors d'une session très suivie - et largement applaudie - aux Valtech Days (conférence organisée par la SSII à Paris le 17 novembre dernier). « Dans la vraie vie, ce n'est pas tout à fait comme ça » Consultante, formatrice et coach, et désormais à la tête de son propre cabinet Ici & Demain, Véronique Messager-Rota a contribué à l'essor des méthodes agiles en France, notamment au sein de Valtech Training (l'entité formation de la SSII). Elle est également l'auteur de l'ouvrage de référence 'Gestion de projets: vers les méthodes agiles'. Pour lequel elle a émis un mea culpa : « La littérature agile décrit souvent un monde idéal - j'y ai participé avec la première édition de mon livre. Les équipes y sont auto-responsabilisées, elles ont le sens du collectif, sont capables d'assumer collectivement l'échec, ont comme valeurs le courage, l'honnêteté, la simplicité et sont donc capables de reconnaître des difficultés... Le 'pair programming' [NDLR : méthode consistant à faire travailler les développeurs en duo] fonctionne, le changement est source de motivation, le client est toujours totalement disponible, tout le monde effectue son reporting quotidien sans avoir l'impression d'être contrôlé... Mais dans la vraie vie, ce n'est pas tout à fait comme ça. » « Mettre des individus ensemble, cela ne fait pas forcément une équipe » Au cours des projets suivis lors de sa collaboration avec Valtech, la consultante a pu identifier plusieurs points bloquants pouvant conduire à l'échec. « Mettre des individus ensemble, cela ne fait pas forcément une équipe, constate Véronique Messager-Rota. On observe des résistances. Tout le monde n'aborde pas le changement de la même façon. Il n'y a pas nécessairement d'esprit d'entraide, d'ailleurs on n'ose pas toujours demander de l'aide. Les rétrospectives peuvent se transformer en recherche de coupable. Il y a ceux qui ne parlent pas pendant les rétrospectives, ceux qui sont toujours en retard aux 'daily scrums' [NDLR : réunions quotidiennes rapides de mise au point prévues par la méthode Scrum], voire qui les boudent. Des chefs de projet qui s'accrochent à leur diagramme de Gantt pour ne pas avoir l'impression de perdre le contrôle... » Depuis sa formation en coaching chez HEC en 2007-2008, la consultante sait désormais mettre un nom sur ces attitudes, et comment les aborder et désamorcer les risques de conflits. Le tout, dit-elle, est de comprendre la dimension psychologique qu'implique pour beaucoup le passage à une nouvelle méthode de travail. « Les gens perdent leurs repères, certains se trouvent trop exposés, ont peur de l'erreur, d'autres ont peur de ne plus voir leur expertise reconnue... » Savoir écouter et accompagner les développeurs dans une sorte de « processus de deuil » Pour gérer au mieux cette situation, le premier conseil de Véronique Messager-Rota est de « bien se connaître : il faut à la fois s'accepter et accepter les autres ». Autrement dit, avoir une attitude ouverte, positive, afin de pouvoir adapter son mode de communication à chacun. Osant le néologisme, la formatrice explique qu'on a tous des attitudes « écoutricides » (tendance au monologue, aux jugements péremptoires, ou simplement manque d'attention) qu'il faut identifier et écarter, au profit de « styles d'écoute » adaptés aux différents interlocuteurs. Quoi qu'il en soit, dit-elle encore, les développeurs amenés à participer à une équipe agile devront en passer par ce que les psychologues appellent le processus de deuil : déni (c'est une mode, ça passera), colère (pas à moi, avec mon expérience !), marchandage (oui mais...), dépression (bon, puisqu'il le faut), rebond (il y a des choses bien), projection (ce que je pourrais apporter) et construction (l'importance de mon rôle). « Tout le monde suite ces étapes, même si on ne franchit pas tous le gué au même rythme. Il est important de respecter cette évolution, de l'accompagner. » Le chef de projet doit instaurer un « cadre de confiance »