Les prochaines générations de smartphones et de tablettes tactiles pourront exécuter plusieurs systèmes d'exploitation et faire tourner de puissantes applications cloud comme des jeux en HD, grâce à l'utilisation progressive de machines virtuelles sur les appareils mobiles. C'est ce qu'ont déclaré certains experts cette semaine lors de la conférence Tech Linley Processor qui se tient à San José, Californie. "Des processeurs plus rapides permettront à ces appareils d'exécuter les applications plus rapidement, et la virtualisation pourra aider à une consolidation des applications, c'est-à-dire à un usage optimisé des ressources," a déclaré Linley Gwennap, analyste pour le Groupe Linley.

Déjà largement adoptée dans les centres de calcul, la virtualisation a contribué à optimiser les serveurs et à réduire les coûts énergétiques. La technologie pourrait maintenant avoir un impact sur les appareils mobiles comme les smartphones, aider à la gestion de tâches critiques en temps réel et à la sécurisation des environnements logiciels hétérogènes. Les utilisateurs devraient pouvoir profiter des avantages de cette future génération d'appareils mobiles plus puissants à la fin de l'année. LG Electronics, par exemple, a déjà annoncé un smartphone Optimus avec processeur Arm double coeurs cadencé à 1 GHz, capable également de lire des vidéos HD en 1080p. Le terminal sera disponible au quatrième trimestre 2010. Ce n'est qu'un des exemples de ces futurs gadgets mobiles qui pourraient tirer parti de la virtualisation.  

Une autre utilisation des plates-formes mobiles

"La virtualisation pourrait également entraîner une diminution du coût des smartphones et une augmentation de leur autonomie," a déclaré Steve Subar, PDG et fondateur de l'Open Kernel Labs, qui développe une technologie de virtualisation pour les systèmes embarqués. La virtualisation permet d'économiser aussi sur le coût des puces intégrées au smartphone, puisqu'elle demande moins de RAM et de mémoire Flash, notamment. Jusqu'à présent, l'évolution des smartphones a été contrariée par une puissance de traitement limitée qui imposait aux appareils de ne faire tourner qu'un ensemble d'applications spécifiques. Mais, à mesure que les appareils mobiles gagneront en puissance de traitement, la virtualisation pourra également permettre aux utilisateurs de charger et d'exécuter plusieurs systèmes d'exploitation et de bénéficier de puissantes applications de cloud computing sur leurs appareils mobiles.

Les smartphones et les tablettes sont avant tout des outils de communication et de réception pour la vidéo, les données et les services Internet hébergés. "Il sera possible de créer un environnement virtualisé pour fournir un service cloud spécifique, ou pour échanger des données avec un PC," a déclaré Les Forth, ingénieur chez le fondeur Freescale. Par exemple, les utilisateurs seront en mesure d'établir une connexion à distance avec des ordinateurs à domicile pour exécuter des applications ou lire des fichiers multimédias en temps réel. "En utilisant un environnement distinct, la virtualisation pourrait également aider les utilisateurs à participer à des jeux multijoueurs en haute définition à travers le cloud," a-t-il ajouté. L'environnement virtualisé pourra permettre de surmonter le fait que la plupart des applications sont écrites dans un code qui n'est pas compatible avec les systèmes d'exploitation des appareils mobiles.

Un impact négatif sur les batteries

La virtualisation contribue déjà à fournir des communications en temps réel et des fonctions réseau essentielles au fonctionnement des smartphones. Elle facilite déjà l'usage de plusieurs systèmes d'exploitation et le cloisonnement des environnements pour exécuter des logiciels en toute sécurité. "On peut faire tourner un système d'exploitation en temps réel sur une partition virtuelle qui fournit une réponse en temps réel pour les tâches essentielles, et exécuter Android sur une autre partition," explique Linley Gwennap.

Mais faire tourner trop de systèmes et de logiciels puissants aurait pour effet de limiter la durée de vie de la batterie. L'hyperviseur de type 1, qui isole les systèmes d'exploitation et les fonctions exécutées par les différents logiciels, est un élément important de la virtualisation. "Les hyperviseurs logiciels utilisés sur de nombreux smartphones consommeraient trop de cycles processeurs : ils passeraient beaucoup de temps à balayer le code et à gérer les protocoles de virtualisation, avec un impact sévère sur la durée de vie de la batterie," explique encore Linley Gwennap. "D'ici à ce que l'on trouve des moyens pour préserver l'autonomie des batteries, les fabricants d'appareils mobiles peuvent d'ores et déjà envisager de charger les OS et les logiciels sur plusieurs coeurs," a-t-il suggéré. Les Forth de Freescale confirme que l'intégration de deux systèmes d'exploitation sur des noyaux distincts pourrait minimiser l'effet sur la durée de vie de la batterie. "Actuellement, la plupart des smartphones et des tablettes tactiles sont équipés de processeurs Arm à coeur unique. Il faudrait limiter le système d'exploitation au strict minimum pour le faire tourner aux côtés d'un gros système comme Android, sans affecter la vie de la batterie. Dans un sens, on revient au problème classique que posent les grosses machines, sauf qu'il est maintenant déplacé au niveau des appareils de petite taille", poursuit l'ingénieur.

Pas avant 3 à 5 ans

Le hardware est déjà en cours d'amélioration pour rendre possible l'arrivée de ces technologies de virtualisation dans les appareils basse énergie. Les processeurs mobiles sont par exemple conçus avec des extensions permettant la mise en oeuvre de la virtualisation, notamment pour aider à réduire le nombre de cycles CPU. ARM a annoncé début septembre une puce Cortex-A15 MPCore capable d'exécuter plusieurs systèmes d'exploitation virtualisés.

Mais Steve Subar d'OKL fait remarquer que certains smartphones exécutaient déjà plusieurs OS sur des noyaux distincts, ce qui augmente effectivement le coût des systèmes et consomme de la batterie. Mais d'un autre côté, la virtualisation permet de réduire les matériels redondants pour réduire les coûts. "En outre, avec les processeurs multicores pour mobiles, la virtualisation supporte la gestion du chargement et permet la mise en veille des processeurs, ce qui pourrait contribuer à réduire la consommation d'énergie," a déclaré Steve Subar. Regardant vers l'avenir, les observateurs pensent que la technologie de virtualisation pourrait changer, dans les trois à cinq ans, la façon dont on utilise les appareils mobiles. "Nous allons finir par tenir dans nos mains des ordinateurs de poche avec les capacités des PC actuels," conclut Les Forth.



Démonstration de la solution de virtualisation de VMware pour smartphones lors du salon WMworld 2009.