Face au nombre élevé de défaillances d'entreprise en France (plus de 60 000 en 2013), le Gouvernement a décidé de réagir. Le 12 novembre, la garde des sceaux, Christine Taubira, a présenté en conseil des ministres une ordonnance qui réforme les procédures judiciaires pour les sociétés en vue de réduire le nombre de celles qui se soldent par une liquidation. Le texte propose des réformes sur plusieurs grands axes dont : « le renforcement et l'extension des mesures relatives à la détection et à la prévention des difficultés des entreprises, le rééquilibrage du rôle des acteurs en présence et notamment celui des créanciers, la simplification du traitement des situations irrémédiablement compromises, [...] »

S'agissant du premier point, les rédacteurs du texte sont partis du principe que les mesures et procédures de prévention (alerte, nomination d'un mandataire ad hoc et conciliation) existantes pouvaient encore être améliorées et adaptées, notamment au contexte économique actuel. Ainsi, la procédure de sauvegarde qui existait déjà est complétée par un nouveau dispositif dit de sauvegarde accélérée qui pourra concerner les créanciers financiers et les autres types de créanciers, notamment les fournisseurs. Pour être mise en oeuvre, elle devra nécessairement avoir été précédée par l'ouverture d'une procédure de conciliation. Un plan négocié avec les principaux créanciers devra être adopté dans un délai maximum de trois mois. Le plan voté par des comités de créanciers pourra s'imposer à leurs membres minoritaires. L'ordonnance prévoit même qu'une cession de l'entreprise, pouvant déjà intervenir dans le cadre d'une procédure collective, puisse être préparée dans le cadre d'une procédure de sauvegarde accélérée.

Limitation du droit des banques à récupérer leurs créances en anticipé

Le rééquilibrage des rôles et des pouvoirs entre actionnaires et créanciers semble surtout consister à redonner des pouvoirs aux seconds. Dans certains cas, ceux-ci seront en mesure de soumettre au tribunal des projets de plan de redressement concurrents de celui élaboré par l'entreprise débitrice. Et, sous certaines conditions, les actionnaires de la société qui bloqueraient le processus de reprise d'activité pourraient devoir céder leurs parts.
Les droits des créanciers sont également renforcés pendant la période de conciliation dans le but de permettre à une entreprise d'obtenir de nouveaux financements. Ainsi, un apporteur d'argent frais à une société en difficulté, intervenant durant la phase de recherche d'un accord, pourra ensuite être payé avant les autres créanciers de l'entreprise en cas d'ouverture d'une procédure collective.

L'ordonnance prévoit tout de même certaines limitations aux droits actuels des créanciers, notamment pour les banques. Par exemple, celles-ci ne seront plus en mesure d'exiger des entreprises en difficultés, bénéficiant d'une conciliation ou d'un mandataire ad hoc (souvent un expert indépendant), de rembourser sans délai un emprunt ou de majorer le taux d'intérêt de leurs emprunts. Une telle mesure vise à encourager les dirigeants de sociétés débitrices à solliciter l'ouverture d'une procédure de conciliation sans risquer la mise en oeuvre de clauses contractuelles qui les lient à un créancier.

Certaines petites entreprises devront être liquidées en 6 mois

Pour les petites entreprises dont l'avenir est irrémédiablement compromis, l'ordonnance prévoit une simplification des procédures de liquidation. Inutile en effet de compliquer les choses lorsque l'on sait que beaucoup des liquidations judiciaires de société de taille très modeste ne conduisent à aucune répartition d'argent entre les créanciers. Depuis 2008, la procédure de liquidation judiciaire simplifiée instaurée en 2005 avait été ainsi été rendue obligatoire pour certaines petites entreprises, notamment celles dénuées de biens immobiliers, qui n'emploie pas plus d'un salarié et déclarant un chiffre d'affaires annuel de 300 K€ maximum. L'ordonnance présentée par Christiane Taubira prévoit de raccourcir encore les délais de cette procédure. Désormais, la liquidation judiciaire obligatoire devra être clôturée dans un délai, non plus d'un an, mais de 6 mois, avec une prolongation possible de 3 mois. Surtout, il a été prévu d'offrir au débiteur, lorsque c'est une personne physique, dont les actifs sont insuffisants, une possibilité de rebond rapide. Il bénéficiera d'un effacement de dettes sans en passer par une procédure collective, nécessairement lourde et onéreuse.