Le Nouveau Centre, en partenariat avec la Fondation pour l'innovation politique, vient de dévoiler sa Déclaration des droits fondamentaux numériques. Composée de dix articles précédés d'un préambule, elle se veut calquée sur les grandes déclarations des droits, comme celles de 1789 ou de 1948. Cette initiative répond au constat que « les TIC constituent les leviers d'une profonde mutation du monde et redessinent les rapports au politique, aux autres et à soi-même », explique Dominique Reynié, le directeur général de la Fondation. Dans cette perspective, un groupe de travail a été constitué, qui rassemble des universitaires, juristes et autres spécialistes de l'IT, pour que l'avènement des TIC en général, et d'Internet en particulier, s'accompagne de plusieurs garanties pour les citoyens-utilisateurs. « On peut établir une corrélation avec le marché, indique Hervé Morin, le président du Nouveau Centre. Une pensée unique se base sur la certitude que pour générer de la croissance, il faut un maximum de dérégulation. Sur Internet, on a parfois l'impression que cette même pensée unique est une règle de base. Nous pensons au contraire que pour que la liberté puisse s'épanouir, il faut la concilier avec les libertés fondamentales de la République. » Les huit articles de la Déclaration visent donc à introduire une dose de régulation dans l'univers numérique, pour penser le bien public de l'Internet et montrer aux jeunes générations « qui sont nées dans le chaudron numérique et qui voient dans Internet une sorte d'opérateur de confiance, de grand ami, comme l'explique le professeur en sciences de l'information Jacques Perriault, qu'il peut aussi y avoir des règles du jeu ». Les internautes invités à débattre du texte Le premier article donne le ton en disposant que « toute personne a le droit d'accéder et d'utiliser librement le réseau Internet, neutre et ouvert, sous réserve de ne pas porter atteinte à l'ordre public et aux droits d'autrui ». Il s'agit, selon Hervé Morin, de garantir un droit d'accès à un service public numérique universel en s'opposant à toute forme de filtrage. On relèvera néanmoins, et comme l'a fait Jeremy Zimmermann, le fondateur de la Quadrature du Net, que la Déclaration ne proclame pas une supériorité de la liberté d'expression (via Internet) sur le droit d'auteur. C'est pourtant ce qu'a fait récemment le Conseil constitutionnel en censurant partiellement la loi Création et Internet. Cette réflexion sur l'universalité du droit d'accès au Web, ainsi que celles relatives aux autres dispositions de la Déclaration (sur le respect de la vie privée numérique, de la dignité, du droit à l'oubli ou de l'anonymat), pourront être exprimées en ligne. Les internautes ont en effet la possibilité de commenter ou de proposer leurs modifications aux huit articles du texte sur droits-numériques.org. Une version anglophone du site sera mise en ligne dans les jours qui arrivent, pour élargir le débat au plus grand nombre. L'idée des initiateurs du projet est d'imaginer une régulation du Web qui dépasse les expressions juridiques nationales, jugées insuffisantes. « Il faut que la communauté des internautes s'en empare pour que ça devienne au moins un enjeu européen. Si l'Europe s'en saisit, on peut imagine que ça dépasse ce cadre pour intéresser toute la planète », conclut Hervé Morin.