Des organisations de professionnels de l’informatique, notamment Syntec Numérique et l’Afdel, ont réagi de façon mitigée à la communication du rapport « Ambition numérique » du CNNum remis jeudi dernier au Premier ministre Manuel Valls. Ce dernier a exposé dans le même temps la stratégie numérique du Gouvernement, déroulée en 14 points (voir encadré). Le projet de loi sur le numérique, porté par Axelle Lemaire, secrétaire d’état au numérique, doit être rendu public d’ici juillet, a indiqué Manuel Valls. Les internautes pourront ainsi suggérer des ajouts ou modifications. Il est prévu que le projet arrive cet automne devant les députés. La stratégie numérique du Gouvernement s'appuie notamment sur le rapport du Conseil National du Numérique qui énumère en 70 propositions réparties sur 4 thématiques la synthèse de la concertation citoyenne lancée en octobre 2014. 

Si la chambre syndicale Syntec Numérique a salué le travail « de grande ampleur » du CNNum, qui a compilé près de 18 000 contributions sur 26 sujets, et si elle souhaite que ce rapport se traduise par des actions concrètes notamment sur les idées qu’elle défend depuis des années (l’effort de formation, le financement des entreprises, la protection des données personnelles), elle rappelle aussi qu’elle ne partage pas tous les points de vue exposés. En particulier, le syndicat professionnel présidé par Guy Mamou-Mani dit s’inquiéter de la volonté affichée de remettre en cause la neutralité technologique de l’achat public. « L’ouverture forcée des codes sources est une demande inacceptable en matière de propriété intellectuelle », indique Syntec Numérique dans un communiqué en pointant que « l’utilisation de la rétro-ingénierie, hors cas d’interopérabilité, peut être sanctionnée pénalement sur le fondement de la fraude informatique ». Sur la protection des données personnelles, Syntec Numérique appelle par ailleurs à agir dans le cadre de l’UE et à attendre l’adoption du règlement européen prévue dans ce domaine.

Des propositions anxiogènes, selon l’Afdel

De son côté, l’Afdel, encore plus tranchante, dit rejeter une vision anti-industrielle du numérique.  L’association française des éditeurs de logiciels a participé elle aussi en son temps à la consultation du CNNum et elle qualifie de « très riche » le rapport qui en résulte. Mais elle critique également les propositions sur le logiciel libre qu’elle juge dogmatiques. Elle estime par ailleurs « anxiogènes » et « éloignées du marché » les propositions autour des plateformes et des données personnelles. « L’exclusion des éditeurs de logiciels de la commande publique au profit des projets de développement spécifiques est une atteinte inacceptable au principe de neutralité technologie », s’insurge dans un communiqué l’organisation présidée par Jamal Labed. « L’Afdel souhaite que l’Etat s’appuie au contraire sur les PME et les start-ups du numérique, quel que soit leur modèle, pour se numériser ». L’association d’éditeurs s’étonne que le rapport n’ait pas pris davantage en compte la représentativité des organisations professionnelles.

Sur la question de la régulation des plateformes, l’Afdel estime que le rapport dénote une vision défensive du numérique. Elle juge en particulier « iconoclastes » les propositions d’encadrement des algorithmes. Pour l’association, cela révèle « une vision anxiogène de l’innovation numérique qui repose précisément et fondamentalement sur les algorithmes (big data) », écrit l’association. Elle aussi pointe la remise en cause du code de la propriété intellectuelle lorsque le rapport du CNNum propose de généraliser les possibilités de rétro-ingénierie du code source. Elle note par ailleurs une entorse au principe de neutralité du Net et, sur les données personnelles, une vision déconnectée des attentes des utilisateurs.