Tout le monde sait que le métier d'Intel est de fabriquer des puces, mais qu'en est-il de sa stratégie cloud ? Certes, le fabricant ne dispose pas d'un cloud public qui pourrait concurrencer des poids lourds de ce secteur tel qu'Amazon web services ou Microsoft Azure. Pour autant, il n'entend pas rester sur la touche. La stratégie du fondeur ressemble à celle d'un marchand d'armes placé en retrait des grands fournisseurs de cloud public. Il leur délivre des processeurs personnalisés qu'ils utilisent pour exploiter des machines virtuelles ultra-efficaces et puissantes. Le cloud public ayant décollé ces dernières années, le prochain challenge du fondeur va consister à cibler également les entreprises de tous types.

Il y a une dizaine de jours, Intel a lancé l'initiative « Cloud for All » conçue pour inciter les entreprises à se doter de cloud privés. La motivation est évidente : le développement en masse de ce type d'infrastructures ne ferait qu'accroitre les besoins en processeurs et doperait donc les ventes d'Intel. Toutefois, ce n'est pas tout à fait comme cela qu'il présente son projet. Intel argue en effet que de nombreuses entreprises sont séduites par les avantages du cloud, mais qu'elles les apprécieraient d'autant plus si les serveurs étaient hébergés chez elles. Diane Bryant, vice-présidente de la société, a expliqué vouloir faire sauter les différents obstacles qui freinent la migration vers le cloud, lors de son allocution à l'occasion du lancement de « Cloud for All ». Selon elle, les cloud privés sont trop complexes à mettre en place et à gérer. Le marché serait en outre trop fragmenté : « Notre objectif est de simplifier le déploiement de milliers de nouveaux clouds, qu'ils soient publics ou privés », a-t-elle indiqué. Pour rendre le cloud privé plus accessible aux entreprises, Intel s'implique dans une série de projets Open Source, tels qu'OpenStack, pour la construction de clouds Iaas, et Cloud Foundry, pour bâtir des plate-formes de développement d'applications. Le fondeur soutient aussi le développement de nouvelles normes pour les conteneurs d'applications.

Rebondir face à un marché du PC en berne

Pendant le lancement du programme « Cloud for All », intel a annoncé qu'il aiderait financièrement Rackspace pour accélérer la maturation technologique d'OpenStack. Intel espère ainsi que le marché puisse mûrir plus vite et proposer des produits plus « enterprise-friendly » embarquant ses processeurs. À y regarder de plus près, les finances d'Intel expliquent cette poussée du fondeur vers le cloud privé. Au cours de son dernier trimestre, Intel a engrangé un bénéfice de 2,7 milliards de dollars, mais son chiffre d'affaires global a baissé de 5% à 13,2 milliards de dollars.

Durant les vingt dernières années, Intel a tiré la majorité de ses revenus de la vente de processeurs pour ordinateurs domestiques, mais l'ascension fulgurante des smartphones est venue torpiller le marché des PC qui tourne, depuis, au ralenti. Lors du dernier semestre, les ventes de puces pour PC ont ainsi chuté de 5% en volume, avec une baisse de 14% des revenus qu'elles génèrent. Dans ce brouillard, le cloud est la lueur d'Intel. La progression de ses livraisons de processeurs pour les data centers fait contre poids. Intel équipe déjà les plus grands fournisseurs de cloud IaaS (AWS, Microsoft et Google) avec des puces réalisées sur mesure. Une activité qui a généré un chiffre d'affaires de 3,9 Md$, en hausse de 10%, lors du premier trimestre 2015. Intel veut obtenir la même réussite sur le marché du cloud privé.

De sombres nuages à venir ?

Matt Eastwood, vice-président du cabinet de recherche IDC, estime que les investissements d'Intel dans le projet OpenStack et dans les conteneurs d'applications devraient accélérer le processus de maturation du marché du cloud privé. Il soulève le fait qu'Intel a notamment contribué à améliorer les infrastructures et les logiciels avant l'arrivée de la virtualisation, il y a dix ans. Par ailleurs, IDC estime qu'un challenger comme ARM n'est pas en mesure de le concurrencer. ARM ne dispose, en effet, que de moins d'un pourcent de parts du marché des processeurs pour serveurs.

L'analyste d'IDC perçoit néanmoins des menaces potentielles pour  Intel. Par exemple, celle de la montée en puissance de fournisseurs de cloud public internationaux, comme le chinois Alibaba et sa filiale Aliyun. Est-ce que des acteurs non-américains comme ce dernier équiperont leurs machines de puces Intel, ou préféreront-ils utiliser des puces génériques moins chères fabriquées en Chine ? Il est encore trop tôt pour dire.