Les langues se délient après l'annonce, hier, du rachat de l'activité smartphone de Nokia par Microsoft. Francisco Jeronimo, directeur de recherche du European Consumer Wireless and Mobile Communications chez IDC, parle de «la fin d'une ère». Les deux entreprises ont opté pour des stratégies différentes. Microsoft a réalisé qu'il fallait contrôler la chaîne de valeur en entier, alors que Nokia avait besoin d'un allié qui apporterait la puissance financière nécessaire pour poursuivre le développement de son smartphone Lumia. « Le marché est passé d'une bataille de produits à une guerre d'écosystème», note l'analyste. Une transformation qui demande énormément d'investissements.

Nokia se serait rendu compte qu'elle n'avait pas les ressources financières pour devenir le numéro 3 des smartphone. D'ailleurs, la firme n'aurait pas été capable d'attirer le même nombre de développeurs que ses deux grands concurrents, Apple et Samsung, ce qui ne lui a pas permis d'offrir davantage d'app. « Microsoft comptait sur Nokia pour déployer Windows Phone avec succès, et Nokia comptait sur Microsoft pour faire grandir l'écosystème. A présent, il est temps pour Microsoft de prendre en main son propre destin», estime Francisco Jeronimo, qui ajoute que l'on devrait voir davantage d'accords de ce genre dans le futur. Le marché devrait se concentrer, des économies d'échelles sont nécessaires à la survie des firmes.

D'intéressants débouchés sur les marchés annexes


Moins dubitatif, le cabinet Analysys Mason voit dans cette acquisition un «pas logique vers l'avant pour Microsoft», un pas qui ne devrait pas changer la position de la firme sur le segment mobile d'un coup de baguette magique. « L'acquisition aura un impact limité sur le marché des smartphones à court et moyen terme, car les deux firmes travaillaient main dans la main depuis deux ans et demi », estime Ronan de Renesse, analyste principal. En revanche, les appareils Nokia (Lumia non compris) connaissent beaucoup de succès sur les marchés chinois, africain, latino-américain et du Moyen-Orient, ce qui pourrait donner à Microsoft un avantage de taille face à Google, sur ces marchés.

« Microsoft a les moyens de venir chatouiller ses concurrents, et utiliser le mobile pour atteindre une portée mondiale pour son écosystème de services et software », explique Ronan de Renesse.

Microsoft propose désormais toute la gamme

« En pleine guerre des écosystèmes, cette acquisition ne concerne pas tant les produits que la plateforme Windows Phone », tonne Adrian Drozd, ICT Research Director au sein de Frost & Sullivan. Avec une part de marché de 4%, Microsoft a encore du chemin à faire. Avec ce rachat, la firme de Redmond peut contrôler l'ensemble de l'expérience utilisateur, ce qui empêchera une fragmentation de l'OS, et facilitera la tâche de convaincre les développeurs. Extrapolé, cela permettra à Microsoft de se repositionner en proposant toute la gamme hardware, software et services, et ainsi de regagner les clients perdus, notamment à cause du Byod. Pour autant, les deux autres partenaires, Samsung et HTC, ne devraient pas être débarqués, estime le spécialiste.


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