Netfective Technology, éditeur du logiciel Blu Age, organisait, le vendredi 10 février 2011 à la Bibliothèque Nationale de France, une nouvelle rencontre avec une trentaine de décideurs du secteur IT, surtout des DSI de grands comptes, autour de Jacques Attali et de Claudie Haigneré. Le thème du déjeuner-débat était prometteur : « Le numérique, moteur de la croissance ». Mais, en moins petit comité que les précédentes, cette réunion a aussi beaucoup moins secoué les préjugés, accumulant même les poncifs.

Il est certain, par exemple, qu'un système d'information n'a de valeur que par ses usages. L'invention n'amène pas grand-chose. Ce qui est important, c'est l'innovation, c'est à dire la transformation des organisations. Cela implique que les utilisateurs doivent trouver dans tout nouveau système un avantage concret, une manière de mieux travailler ou d'être plus efficace, garant de l'acceptation du changement. Pierre Pezziardi, DSI de la BRED et surtout auteur de Lean Management, a profité de ce truisme pour opposer les projets lourds, sans doute bureaucratiques, comme Chorus, le nouveau SI financier de l'Etat, à Wikipedia : « d'un côté nous avons un machin qui facture de la même façon des sous-marins et un renouvellement de stock de papier toilette [sic], de l'autre un outil collaboratif de quelques lignes de code qui -excusez du peu- permet de bâtir une encyclopédie ».

Pour Pierre Pezziardi, la fracture numérique n'oppose pas les générations (baby-boomers, X, Y, etc.) mais les conservateurs et les innovateurs de chaque génération. « La fracture n'est pratiquement plus sur l'accès mais bien sur l'usage » a renchéri Claudie Haigneré.

Consensus pour la formation

Malgré tout, le besoin de développer la formation des nouvelles générations a fait consensus dans l'assemblée. « C'est une priorité absolue de former au numérique dès l'école primaire » a ainsi martelé Jacques Attali. Pour Claudie Haigneré, « il faut former l'esprit critique face aux flux incessants du web ». Jacques Attali a déploré : « nous étions une nation fondamentalement d'ingénieurs et nous perdons tragiquement cette qualité ».

Vécue en direct par les nouvelles générations, la révolution technique se double d'une révolution sociétale. « Nous passons de relations de masse, anonymisées, à des relations 1 à 1 non hiérarchiques dans un esprit collaboratif et avec fin de l'anonymat, y compris dans l'administration » a ainsi mentionné Jacques Attali.

La transformation numérique frappe en effet tout particulièrement l'administration, qualifiée de « post-Napoléonnienne » par un intervenant. « Les nouveaux systèmes transforment la relation autant d'une part entre les usagers et les administrations que, d'autre part, entre les administrations elles-mêmes » a souligné Jérôme Filippini, le nouveau directeur interministériel des systèmes d'information et de communication de l'Etat (DISIC). Pour lui, « l'appartenance à telle ou telle administration n'a plus autant d'importance qu'avant car, ce qui compte, c'est que le service attendu soit rendu. » Des outils comme le portail Mon.Service-Public.fr ont clairement pour objet de rendre la complexité administrative invisible des utilisateurs.

Cette mutualisation de l'interface se double d'une volonté de mutualisation des infrastructures, jusqu'au cloud, l'un des projets de la DISIC étant d'ailleurs la création d'un cloud public. Pour Jacques Attali, il y a deux révolutions en cours : le web sémantique, qui permettra une interrogation en langage naturel, et le cloud.