La publication des décrets d'application de la loi Hamon relative à l'Economie sociale et solidaire est attendue pour le tout début du mois de novembre. Peu d'entrepreneurs semblent au courant des incidences que va avoir cette législation lorsqu'ils souhaiteront vendre leur société. Et pourtant, elles sont nombreuses. Le texte oblige en effet les chefs d'entreprises de moins de 250 salariés à informer leurs collaborateurs de tout projet de cession, au plus tard deux mois avant sa conclusion. Un délai qui, dans l'esprit de cette loi, doit permettre aux salariés de proposer leur propre projet de reprise. Il peut être raccourci « dès lors que chaque salarié a fait connaître au cédant sa décision de ne pas présenter d'offre. » En cas de non respect de la procédure, la sanction peut aller jusqu'à l'annulation pure et simple de la vente à la demande de tout salarié.

Les professionnels des fusions acquisitions mobilisés contre le texte

« Nous sommes pour le rachat d'une entreprise par ses salariés quand cela est possible. Mais cette loi ne prévoit rien pour les y aider réellement et crée en revanche des contraintes pour les PME qui ont trouvé un repreneur », s'insurge Damien Noel, le PDG fondateur de Fusacq, une place de marché dédiée aux Fusions Acquisitions et à la reprise transmission. Avec 2 300 personnes, dont un bon nombre de conseils en cession/acquisistions, Fusacq a écrit au ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, pour lui demander de ne pas publier les décrets d'application ou de revenir sur la loi. Damien Noel ne se fait toutefois pas beaucoup d'illusions quant à la volonté du gouvernement de faire machine arrière sur ce texte présenté comme une avancée sociale, surtout après le tumulte créé par le pacte de responsabilité.

« Toute la confidentialité qui entoure habituellement ce type d'opérations ne sera plus possible », regrette Amaury Semain, le dirigeant d'OpportunIT, un cabinet de conseil spécialisé dans les fusions acquisitions sur les marchés des logiciels et des services informatiques. Cette loi va créer un flou de deux mois dans le fonctionnement interne de l'entreprise en voie de cession mais aussi dans sa relation avec ses clients. » « Lorsqu'une entreprise en difficulté, et donc dans une situation d'urgence, parvient à trouver un repreneur, huit semaines apparaissent comme un délai trop long. Tout peut se passer, notamment une aggravation de sa situation économique qui viendrait compromettre la vente ou  tout simplement l'empêcher de poursuivre son activité », ajoute Damien Noel. Ce préavis de deux mois est d'autant plus décrié qu'il parait peu probable qu'il soit suffisant pour monter un projet de reprise sérieux et obtenir le soutient financier d'une banque.

Une hausse des transactions attendues avant novembre dans l'IT

Pour Amaury Semain, les premières conséquences de la loi devraient se faire sentir avant même la publication de ses décrets d'applications. Il sent en effet déjà poindre une accélération du nombre de mises en vente sur les marchés où lui et ses homologues opèrent : « A nous seuls, nous avons trois dossiers en cours pour lesquels nos clients nous ont expressément demandé de parvenir à une signature avant la fin octobre. » Si elle se confirmait à l'échelle de l'ensemble des marchés de l'édition logicielle et des prestations de services informatiques, cette accélération viendrait amplifier la hausse des transactions déjà constatée depuis le début de l'année. « Depuis quinze ans, le nombre de fusions acquisitions et de levées de fonds est en moyenne d'une centaine par an sur nos marchés. A fin août, nous en étions déjà à 87, principalement parce que la valorisation des entreprises est remontée, sans que cela soit lié à la loi Hamon », explique Amaury Semain. Mais après l'effet dopant qu'elle pourrait avoir à court terme, la loi sur l'Economie sociale et solidaire pourrait avoir l'effet inverse. C'est-à-dire dissuader certains entrepreneurs de mettre en vente et par la même faire chuter le nombre de fusions-acquisitions.