Suite aux récents actes terroristes à Paris, les ministres de l'Intérieur et de la Justice de l'Union Européenne - avec le soutien de représentants des États-Unis et du Canada - réclament un renforcement de leurs pouvoirs de surveillance et appellent les principaux fournisseurs d'accès Internet à créer un système pour signaler et supprimer rapidement tout contenu en ligne qui « vise à inciter à la haine et la terreur. »
Un tel système est «essentiel» pour endiguer la propagande terroriste en ligne, ont déclaré dans un communiqué commun les ministres de l'Intérieur et de la Justice de l'EU, à l'initiative de Bernard Cazeneuve, le ministre français de l'Intérieur. « Nous sommes préoccupés par l'utilisation plus fréquente d'Internet pour alimenter la haine et la violence et affirmons notre détermination à veiller à ce que l'Internet ne soit pas utilisé de cette sorte », ajoutant que l'Internet doit rester un espace pour la liberté d'expression.

Contrer la propagande sur Internet

Les ministres veulent également encourager les campagnes ciblées et facilement consultables pour contrer la propagande visant un jeune public particulièrement vulnérable à l'endoctrinement. Ils incitent tous les pays de l'UE à utiliser les ressources du Syria Strategic Communication Advisory Team (SSCAT) qui doit être mis en place par la Belgique avec un financement de l'UE. Cette plate-forme vise à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes.

Le développement de la propagande extrémiste en ligne pose un sérieux problème en Europe et les fonctionnaires des services de sécurité ont rencontré des représentants de Google, Twitter, Facebook et Microsoft pour discuter des mesures techniques à prendre pour contrecarrer les activités numériques des terroristes. La pression sur les entreprises de haute technologie est ainsi avérée en Grande-Bretagne avec le GCHQ (Government Communication Headquarters) qui a demandé aux médias sociaux de davantage coopérer avec les autorités afin de bloquer les terroristes exploitant leurs plates-formes. Les entreprises sont « dans le déni » en ce qui concerne l'usage de leur technologie par les terroristes, selon les services du GCHQ.

Partager les données concernant les passagers

Dans la même déclaration, les ministres ont déclaré qu'ils étaient « convaincus de la nécessité cruciale et urgente » de créer un cadre juridique pour assurer le partage des données concernant les dossiers des passagers aériens (les fameux PNR ou Passenger Name Record) pour les vols en provenance et au sein de l'UE. La création d'une base de données avec ces informations pour lutter contre la criminalité et le terrorisme a été en 2011 proposé par la Commission européenne. Cette proposition aurait permis aux forces de l'ordre d'accéder à une soixantaine de données comme les dates de voyage, les itinéraires et les coordonnées des passagers recueillies par compagnies aériennes, mais le projet a été abandonné en 2013 lorsque le Parlement européen a déclaré qu'il violait les droits fondamentaux des citoyens à la vie privée.

Une telle base de données pourrait également être jugée illégale si on considère une décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne de mai 2014 qui invalidait des lois de l'UE exigeant des fournisseurs de télécommunications la conservation des métadonnées afin de préserver les droits fondamentaux à la vie privée. De plus, le Parlement européen a également saisi la Cour de Justice Européenne pour bloquer un accord sur le partage des données des passagers aériens avec le Canada. Reste à voir aujourd'hui si le choc créé par les attentats de Paris va modifier les positions à Bruxelles. Les ministres veulent aller de l'avant, en adoptant « une approche constructive avec le Parlement européen ».

Plus de surveillance mais avec quels résultats

Les services de renseignement affirment souvent que les lois sur la vie privée constituent une  barrière qui ralentit l'accès à certaines bases de données et au final coûte un temps précieux quand il s'agit de sauver des vies humaines. La question reste cependant posée quant à l'efficacité de la surveillance généralisée, notamment dans la prévention des attentats de Paris puisque les frères Kouachi avaient bien été dans le viseur des services de renseignement avant que leurs filatures électroniques (écoutes principalement) soient levées faute de résultats.