« Les serveurs sont confrontés au même sort que les PC et les appareils mobiles, c’est-à-dire qu’un nombre croissant d'entre eux sont fabriqués dans les pays asiatiques comme la Chine et Taiwan », a déclaré Jeffrey Hewitt, analyste chez Gartner. « Comme pour les PC et les appareils mobiles, ces serveurs fabriqués en Asie sont moins chers que les serveurs fabriqués aux États-Unis, et ils attirent toujours plus d’acheteurs. D’autant plus que les acheteurs peuvent commander des serveurs personnalisés qui répondent à des besoins spécifiques », a déclaré l’analyste.

Des entreprises comme Google, Facebook et Amazon, qui construisent des mégas datacenters, conçoivent leurs serveurs en interne et les font fabriquer en Chine ou à Taiwan. La plupart de ces machines sont personnalisées pour les environnements HyperScale, dans lesquels les entreprises déploient des clouds publics et privés pour prendre en charge leurs énormes besoins de trafic Web. « Les sept plus importants fournisseurs de cloud public traitent directement avec les fabricants chinois et taïwanais », a déclaré Patrick Moorhead, analyste principal chez Moor Insights & Strategy. C’est le cas notamment de Google, qui est l'un des plus gros acheteurs de serveurs dans le monde. Les grandes entreprises chinoises comme Alibaba, Tencent et Baidu préfèrent aussi acheter leurs produits à des entreprises locales pour des raisons de sécurité et par préférence « nationale », a ajouté l’analyste.

Des configurations basiques et moins chers  

« Au final, ces entreprises ne passent plus par les fabricants de serveurs américains traditionnels comme Hewlett-Packard et Dell Enterprise », a ajouté l’analyste de Gartner. « Les acheteurs demandent aux entreprises asiatiques de réduire les configurations serveurs au strict minimum, ce que ne veulent pas faire les fournisseurs américains », a déclaré aussi Jeffrey Hewitt de Gartner. « Les configurations bare-bones n’offrent pas de fonctionnalités supplémentaires comme des puces de sécurité et des moteurs de gestion », a encore ajouté l’analyste. Facebook et Google peuvent également faire baisser leurs coûts en achetant des composants en volume. « Et, ils n’ont pas besoin du support des OEM. Ils s’en occupent eux-mêmes », a déclaré Jeffrey Hewitt.

Selon une étude publiée mercredi par Gartner, au cours du quatrième trimestre 2015, les livraisons de serveurs ont atteint 2,96 millions d'unités dans le monde, en croissance de 9,2 % par rapport au même trimestre il y a un an. Cette croissance a été tirée par les fabricants de serveurs chinois Lenovo, Huawei et Inspur Electronics. Les livraisons de ces trois fabricants arrivent juste après celles de HPE et Dell, qui ont diminué en volume. Dans cette période, HPE a livré 626 000 unités, en baisse de 2,6 % par rapport au quatrième trimestre 2014. Dell a livré 528 000 machines, en baisse de 0,3 %. En revanche, les expéditions de Lenovo ont augmenté de 5,9 % à 257 000 et celles de Huawei ont augmenté de 27 % à 150 000. Les livraisons de Inspur ont explosé, passant à 140 000 unités, en augmentation de 53 %.

HPE allié avec Foxconn pour les serveurs 

Un groupe de fabricants de serveurs taïwanais, dans lequel on trouve Quanta, Wistron et Inventec, a également livré 1,26 million de machines au cours du quatrième trimestre, dépassant les livraisons combinées de HPE et Dell. Cependant, ces derniers s'adaptent à l'évolution des tendances. Par exemple, HPE a conclu un partenariat avec Foxconn - qui possède des usines à Taiwan et en Chine - pour produire des serveurs cloud à faible coût pour les environnements HyperScale. Foxconn produit aussi des PC, des iPad et des iPhone.

Les fabricants de serveurs américains ont également abandonné la production de serveurs d’entrée de gamme. Ils proposent des designs de serveurs plus innovants et ajoutent de la valeur à leurs produits en intégrant plus de stockage et des éléments réseaux. « Les clients qui ont besoin de support s’orientent aussi de préférence vers les serveurs de Dell ou ceux de HPE », a déclaré l’analyste de Gartner. « HPE, Dell, IBM, Lenovo associent également des logiciels et des services cloud à leurs serveurs », a ajouté Patrick Moorhead. Par exemple OpenStack de Red Hat, Azure HybridCloud de Microsoft et Nutanix sont livrés avec les serveurs de Lenovo. De même, l’hyperviseur de VMware est livré avec certains serveurs. À noter que Dell est en train de racheter EMC, le propriétaire de VMware.

Lenovo veut faire de l'IBM moins cher 

Enfin, la Chine est devenue un nouveau champ de bataille pour les fabricants de puces serveurs. Les processeurs serveur x86 d'Intel dominent toujours le marché, mais des concepteurs comme Qualcomm et IBM essaient de pousser dans plusieurs serveurs leurs puces basées sur leurs architectures ARM et Power respectives. Interrogé sur ce dernier point, Nicolas Mahé, chef de produits serveurs chez Lenovo, nous a confié sur le salon IT Partners que l’arrivée de serveurs ARM n’est pas exclue. « Le hardware est prêt [depuis l’arrivée des puces ARM 64 bits], mais le software se fait encore attendre ». En attendant, le fournisseur chinois entend proposer « des serveurs performants, au bon prix et standard. Il s’agit de refaire pour les serveurs ce que Lenovo a fait avec les ThinkPad [rachetés en 2006] »