LMI : Quel a été votre souvenir informatique le plus marquant ? 

Pierre-José Billotte : J'ai vécu sur ces 30 dernières années deux gros cycles de transformation dans mon parcours qui ont été en même temps des transformations de l'industrie française de manière générale. La première a été l'informatisation des télécommunications. A l'époque dans les années 90 il y avait un seul réseau et un terminal unique agréé PTT et commercialisé par France Telecom, avant de voir arriver des cartes VoIP s'intégrant sur ce même réseau unique. Ensuite on a vu apparaître les premiers serveurs vocaux permettant depuis un ordinateur intégrant des cartes VoIP de recevoir un appel télécom. L'arrivée de ces cartes a permis de faire exploser la notion de terminal unique imposé par France Télécom mais aussi toute la réglementation. 

Le big bang des télécoms s'est fait en deux temps. Sur les équipements et terminaux télécoms qui ont explosé sous l'influence de l'IT et ensuite dans les services avec une concurrence qui ne se limitait plus seulement aux terminaux. C'est là que l'on a vu arriver des opérateurs de tous les coins du monde investir en France pour investir le marché des télécoms. Avec ces afflux de capitaux, on est passé de 1 à 120 opérateurs de télécoms avec Telecom Italia, Telefonica, Deutsche Telekom, NCI, NTT... Cela a été une phase d'extension énorme avant une phase de contraction violente à moins d'une dizaine d'opérateurs liée à une concurrence terrible sur les prix. A cette époque il y eût un nombre considérable de dépôts de bilans et la bulle financière dans les télécoms a éclaté. 95% des opérateurs sont repartis et France Telecom est resté l'opérateur historique. 

Et s'agissant du cloud, cela a aussi été une révolution ?

Le cloud est bien sûr la seconde transformation majeure de ces 10 dernières années avec un big bang dans les services, les apps mais aussi sur les usages mêmes de l'informatique. Il est passé de la sphère professionnelles au grand public. Aujourd'hui, le cloud est derrière la gestion des taxis, la musique en ligne, la recherche de financement... C'est en train de révolutionner l'entièreté de la société. Mais on ne voit aujourd'hui que la partie émergée de l'iceberg. Le cloud est partout, dans l'intelligence artificielle, les réseaux sociaux, le big data, l'IoT... c'est d'ailleurs pour cela que nous lui consacrons chaque année une semaine entière au travers de l'événement Cloudweek Paris.

Quel regard portez-vous sur l'évolution de la presse informatique ?

Le regard que je porte sur cette évolution vient d'Internet qui a bouleversé et qui bouleverse comme le cloud, les usages. La presse papier a disparu mais ne me manque pas. Je pense que c'est mieux. D'un côté j'ai bien vu qu'Interner a bouleversé les modèles de la presse papier traditionnelles, j'ai senti un flottement et des titres ont disparu. Mais aujourd'hui j'ai plutôt tendance à considérer que les médias d'information sont plus intéressants. Cela permet d'aller plus vite, de remonter plus facilement de l'information et de façon plus efficace. Je met des articles sur mon portable et les lis quand j'ai le temps. Je dirai que c'est une consommation différente. A l'époque je prenais le temps de regarder un article une fois dans un magazine mais aujourd'hui je le fais en plusieurs fois. Je ne consomme pas plus d'articles, mais la façon dont je les consomme est différente, plus segmentée. Je me connecte de mon mobile ou au bureau, peu importe le moyen je ne vois pas de différence.