Michel Serres, de l'Académie Française, professeur à Stanford University : voilà de quoi poser une couverture de livre. Mais Petite Poucette n'est pas un pavé imposant et indigeste. Non, le célèbre philosophe signe là un bref manifeste des plus agréables à lire, un manifeste pour la Génération Y et la révolution que nous vivons tous. Bien entendu, à 83 ans, l'académicien ne fait pas partie de cette Génération Y. Il n'est pas plus informaticien. Il constate cependant combien le monde a changé.

Le changement ne date pas des jeunes pousses du web 2.0. Il ne se limite pas à Internet. Mais comme jadis l'écriture ou l'imprimerie, Internet accompagne ou provoque (dans quel sens est le lien de causalité?) une révolution sociétale. Ainsi, nous sommes passés d'un monde rural, de paysans, à un monde de geeks en un siècle seulement. Quand des arrières-grands-parents se juraient fidélité pour une dizaine d'années en se mariant, leur Petite Poucette, ou même ses parents, peuvent-ils prendre le même engagement pour 80 ans (ou plus) ? Les parents de la Petite Poucette sont donc généralement divorcés.

Tout est transformé : la relation à l'information, bien sûr, mais pas seulement. La hiérarchie, les vieilles inhibitions, ont changé. Que Michel Serres soit noté par ses étudiants ne le choque pas. Ne l'a-t-il pas toujours été, simplement avec l'affluence ou le chahut dans son amphithéâtre de cours ? Aujourd'hui, le Maître se soumet simplement explicitement, en ligne, à l'appréciation de ses simples élèves. En fait, le philosophe ne l'avoue pas mais Internet, c'est l'égalité promise en 1789.