Le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc vient de prononcer un non lieu au profit d'un internaute, poursuivi par la Sacem et la SCPP (Société civile des producteurs phonographiques) pour avoir téléchargé et mis à disposition 150 000 fichiers musicaux et vidéo sur des réseaux de pair-à-pair (P2P). La décision rappelle celle rendue par les juges de Bobigny, en décembre 2006, en ce qu'elle s'appuie sur des arguments comparables. En l'espèce, les poursuites avaient été engagées après qu'un agent assermenté eut collecté les informations attestant des activités illégales du prévenu sur son ordinateur. Une collecte effectuée cependant sans que l'accord de la Cnil, le gardien des données personnelles, n'ait été sollicité. En conséquence, estiment les juges de première instance, l'ensemble de la procédure est frappé de nullité et l'internaute récalcitrant ne saurait être condamné. Si ce jugement est en tout point comparable à celui rendu à Bobigny en 2006, il serait vain d'en dégager un semblant de jurisprudence. Deux cours d'appel ont en effet tranché dans un sens radicalement différent, à Pau et Paris, en 2006 et 2007. Dans les deux cas, les juges ont considéré que les informations collectées sur les ordinateurs des internautes téléchargeurs ne constituaient pas des données personnelles. Par conséquent, l'autorisation préalable de la Cnil n'était plus requise et son absence ne justifiait pas la nullité de la procédure. Les défenseurs des libertés individuelles s'émeuvent de ce postulat et crient à la privatisation de la justice : ils dénoncent un système dans lequel les plaignants joueraient également le rôle de policiers puisqu'ils constatent les infractions. En mai 2007, Christine Albanel, la ministre de la Culture, avançait elle aussi sur le terrain de la déjudiciarisation des conflits liés au téléchargement illégal. L'ancienne pensionnaire du Château de Versailles se prononçait en faveur de la riposte graduée contractuelle, un mécanisme consistant à privilégier le règlement des litiges dans la sphère privée entre l'internaute, son FAI et les représentants des auteurs lésés.