Lundi dernier, le 30 avril donc, le jury du tribunal de San Francisco a pu entendre les plaidoiries des deux parties, dans le procès opposant Oracle à Google au sujet de la violation des droits intellectuels sur Java dans Android, avant de quitter la salle d'audience et entamer ses délibérations. Il est probable que les jurés prendront plusieurs jours avant de se prononcer. Pour qu'Oracle gagne ce procès, il faut que les 12 jurés reconnaissent que l'éditeur de Redwood Shores a fait valoir sa cause par « prépondérance de la preuve », c'est-à-dire que la partie capable de présenter l'argumentation la plus convaincante, même avec peu de différence, est gagnante. Le procès se déroule en trois phases, et ce premier verdict concerne uniquement la question des droits d'auteur. Dans la prochaine étape, le tribunal examinera les allégations de contrefaçon des brevets d'Oracle. Enfin, la phase finale permettra de déterminer le montant des dommages auxquels Oracle pourrait prétendre. Cependant, c'est dans sa revendication sur les droits d'auteur qu'Oracle dispose des meilleurs atouts. C'est pourquoi ce premier verdict est considéré comme crucial par les deux parties.

L'usage loyal des API de Java en question

Il y a deux ans, Oracle a porté plainte contre Google au motif que son logiciel Android violait les brevets et droits d'auteur de Java, acquis par Oracle avec Sun Microsystems. Google nie toute malversation, affirmant qu'il avait développé une « version propre » de Java. Le juge a pris soin d'informer le jury que les termes et les définitions ordinaires, comme ceux donnés à des méthodes et à des classes dans les API Java d'Oracle ne sont pas protégés par des lois du copyright aux États-Unis. Par contre, le jury devra décider si Google a violé « la structure, l'organisation et la séquence » de l'API Java - en d'autres termes, voir comment elles sont organisées et comment elles sont liées les unes aux autres. Si le tribunal conclut que Google ne viole pas les API, il doit cependant dire si l'usage qu'en fait Google est protégé par un « usage loyal ».

Robert Van Nest, l'un des avocats de Google, a présenté plusieurs arguments pour défendre cette notion « d'usage loyal » dans sa plaidoirie finale lundi matin. « L'un des éléments d'appréciation de l'usage équitable consiste à savoir à quel point le matériel copié emprunte à l'oeuvre originale dans son ensemble, » a-t-il expliqué. Google est accusé d'avoir copié 37 des API Java d'Oracle dans Android, et selon son avocat, cela ne représente qu'une petite partie de Java dans son ensemble. « Pour être pertinent, il faut comparer la structure, la séquence et l'organisation de ces 37 API sur la totalité de Java, » a-t-il ajouté. Robert Van Nest a également soutenu que Google avait transformé l'API pour l'utiliser, dans le sens qu'elle avait créé quelque chose de nouveau et de différent à partir des API. « Android est la première plate-forme Java pour smartphone qui a réussi sur le marché », a encore déclaré l'avocat de Google.

Une affaire compliquée mais très importante pour la Silicon Valley

L'avocat d'Oracle Michael Jacobs ne partage pas ce point de vue, citant la plate-forme BlackBerry de Research in Motion et Sidekick de Danger. « Est-ce qu'on peut dire qu'Android est une plate-forme « cool », novatrice et en vue ? Bien sûr qu'elle l'est », a-t-il déclaré. « Mais apporte-t-elle une transformation dans le sens de la loi ? Non ». Le jury doit également déterminer si les déclarations publiques concernant Java à l'époque de Sun auraient pu amener Google à croire qu'elle n'avait pas besoin de licence pour utiliser sa technologie. En effet, à plusieurs reprises, Google a mis en avant les déclarations de l'ex-PDG de Sun, Jonathan Schwartz, lequel, avant 2007, encourageait et félicitait Google sur la sortie d'Android. « Google est une grande entreprise, ils savent que le business ne se fait pas avec des messages postés sur un blog », a dit Michael Jacobs au jury lundi matin.

L'affaire est compliquée, et le juge William Alsup, qui supervise aussi le procès, a fourni au jury 18 pages de commentaires pour les aider à prendre leur décision. Dans la forme, le verdict doit répondre à quatre questions, dont certaines divisées en plusieurs parties. (Une copie des instructions et du formulaire de verdict est visible ici http://www.scribd.com/doc/91878800/Jury-Instructions-Verdict-Form-in-Oracle-Google. Le Juge Alsup doit également prendre en son nom certaines décisions basées sur son interprétation du droit d'auteur, y compris pour dire si les API d'Oracle sont considérées comme couvertes dans leur ensemble par le droit d'auteur. S'il décide que ce n'est pas le cas, le verdict du jury peut avoir son importance dans le cas où Oracle fait appel ensuite de la décision du juge devant une cour plus élevée.

Le jury sera réuni chaque jour de 8 h à 13 heures au tribunal pour délibérer et débattre du verdict  jusqu'à qu'il parvienne à une décision.