Un éventuel rachat des constructeurs de terminaux mobiles Palm et RIM avait été envisagé par Oracle lorsque celui-ci avait étudié l'idée d'élaborer son propre smartphone. C'est ce qu'a révélé hier Larry Ellison, PDG d'Oracle, appelé à la barre au deuxième jour du procès qui oppose sa société à Google, accusé de violation de brevets et de copyright associés à Java. Finalement, RIM avait été estimé trop cher à acquérir et Palm pas assez compétitif. Et Oracle lui-même ne disposait pas d'une expertise suffisante pour développer seul un smartphone, a expliqué Larry Ellison. « Nous avons examiné cette éventualité [de fabriquer un téléphone] et décidé que ce ne serait pas une bonne idée », a-t-il indiqué à la cour.

Le dirigeant d'Oracle était entendu dans le cadre d'un contre-interrogatoire par un avocat de Google. Ce dernier essayait de convaincre le jury qu'Oracle avait engagé son procès parce que ses propres efforts pour développer un smartphone avaient échoué et qu'il voulait maintenant profiter du succès d'Android.

Larry Page interrogé sur un document interne

Le jury a également entendu le témoignage du PDG de Google, Larry Page. Un enregistrement vidéo a été diffusé, dans lequel il répond aux questions de David Boies, l'un des avocats d'Oracle. Ce dernier espère se servir de ce témoignage pour montrer au jury que Google savait qu'il avait besoin d'une licence Java pour développer Android. A un moment, l'avocat du plaignant montre à Larry Page un document préparé par l'équipe Android, montrant que Google « devait prendre une licence auprès de Sun ». Interrogé sur ce document, Larry Page a estimé que c'était un peu confus. « Ainsi donc, c'est votre témoignage, assis là, que vous ne comprenez pas ce que 'prendre une licence de Sun' veut dire », a demandé l'avocat d'Oracle. « Je suis désolé, je ne sais pas à quoi cela se réfère », lui a répondu Larry Page. « Cela ne correspond pas à ma compréhension de Java ».

David Boies a poursuivi : « L'équipe de Rubin affirmait que Google devait prendre une licence auprès de Sun, n'est-ce pas ? ». Larry Page : « Je ne suis pas d'accord avec cette déclaration ». David Boies : « Est-ce que 'devait' signifie 'avait besoin' ? ». Larry Page : « Je suis d'accord avec ce qui est écrit, mais pas avec la déclaration ».

Oracle fournit des explications sur Java

Google a effectué hier matin sa déclaration préliminaire au jury. Oracle l'avait fait la veille et il lui revient maintenant d'apporter au jury la preuve du cas d'infraction pour lequel il fait un procès. Google nie avoir mal agi et fera appeler à la barre ses propres témoins. Larry Ellison a semblé détendu lorsqu'il est venu à la barre, vêtu d'un costume gris sombre et d'une cravate. Après avoir prêté serment, il a indiqué à la cour qu'il était né à New York, avait fréquenté l'enseignement public à Chicago et fondé Oracle en 1977 comme CEO et responsable de l'ingénierie. Lors d'une pause, il a parlé et ri avec ses avocats qui occupaient une table proche du jury. L'équipe juridique de Google se trouve de l'autre côté de la pièce.

Il s'agit ici d'un procès délicat et Oracle utilise en partie le témoignage de Larry Ellison pour expliquer que Java inclut un langage de programmation, les API (interfaces de programmation) et des bibliothèques de classe. « Est-il nécessaire de se servir des API pour utiliser le langage de programmation Java ? », a demandé notamment David Boies au CEO d'Oracle. « Absolument pas », a répondu celui-ci.  Robert Van Nest, avocat de Google, a objecté, considérant que Larry Ellison fournissait là un « témoignage d'expert », mais le juge a rejeté l'objection et accepté la réponse.

La réponse de Larry Ellison à la question de David Boies est au coeur de la revendication de copyright d'Oracle face à Google. Le langage Java n'est pas couvert par un copyright et Google argue du fait que les API constituent une part essentielle de Java et qu'elles ne peuvent dont pas être protégées par copyright non plus. Oracle n'est pas d'accord. Dans son témoignage, Larry Ellison a également déclaré qu'écrire des API était sans doute « l'une des choses les plus difficiles que nous faisons chez Oracle ». Les entreprises peuvent choisir entre trois types de licences Java, a expliqué le CEO au jury, la Gnu Public License (Open Source), la specification licence et une licence commerciale. Nokia, LG et Samsung, par exemple ont payé pour la troisième. « La seule société que je connaisse qui n'a pris aucune de ces licences est Google », a déclaré Larry Ellison.

Une rencontre avec Eric Schmidt chez Larry Ellison

Lors du contre-interrogatoire, Robert Van Nest a interrogé le CEO sur les propres plans d'Oracle pour développer un smartphone. Il a évoqué une rencontre, au domicile de Larry Ellison, entre celui-ci et le chairman de Google, Eric Schmidt, en 2010, au cours de laquelle le premier aurait proposé au second un projet de développement conjoint pour intégrer la machine virtuelle Java d'Oracle dans Android, à la place de Google, parce qu'Oracle était plus rapide et plus efficace. N'est-ce pas exact, a demandé l'avocat de Google ? Larry Ellison a récusé le qualificatif de « conjoint ». « J'ai dit qu'il pouvait prendre notre version de Java et la mettre dans Android. Ce n'est pas un projet conjoint ».

A ce moment-là, Robert Van Nest a présenté une vidéo de témoignage de Larry Ellison enregistrée un peu plus tôt dans laquelle le CEO d'Oracle décrivait le travail comme « un projet de développement conjoint ». L'avocat a aussi rappelé que Larry Ellison avait proposé un projet similaire à Larry Page quelques mois plus tard. Toutefois, aucun accord n'avait été trouvé, a indiqué Robert Van Nest. Par la suite, Oracle a engagé un procès.

Les auditions se poursuivent ce mercredi à San Francisco. Oracle va demander à Larry Page de fournir un nouveau témoignage. Le procès devrait durer huit semaines.