Drôle de fête des morts pour les directeurs juridiques de Facebook, Twitter et Google. Mardi 31 octobre et mercredi 1er novembre, le Congrès a en effet convoqué respectivement Colin Stretch, Sean Edgett et Kent Walker, pour une explication de texte quant au rôle présumé de leur société dans la publication sur leurs réseaux de contenus et publicités pro-russes diffusés pendant la campagne présidentielle américaine de 2016. Une campagne qui a débouché comme on le sait sur l'élection de Donald Trump, soutenu de notoriété publique par le Kremlin.

Quelques jours auparavant, comme pour désamorcer l'affaire, Google avait révélé que des russes avaient acheté des espaces publicitaires afin de répandre de la désinformation, sans avoir pour autant avancé de preuve formelle. D'après le géant de la recherche, plus de 1 000 vidéos pro-russes ont ainsi été publiées sur sa plateforme vidéo YouTube. Du côté de Facebook, le constat est similaire, avec plus de 126 millions d'utilisateurs qui ont été « atteints » par des contenus issus de fermes de trolls originaires de Moscou, soit 10 fois plus que les estimations de l'Internet Research Agency. Quant à Twitter, plus de 131 000 messages ont été publiés sur son réseau par des personnes liées aussi aux intérêts russes.

20 000 personnes pour débusquer les contenus indésirables chez Facebook fin 2018

« C'est vous qui avez créé ces plateformes qui ont été détournées. C'est à vous d'agir sinon nous agirons », a tancé Dianne Feinstein, sénatrice démocrate de la Californie. « J'ai longtemps été très fière de représenter la Silicon Valley. Mais franchement vous n'avez pas compris. Ce dont on parle ici est un changement cataclysmique. On parle de cyberguerre ». Face à cette diatribe, Google, Twitter et Facebook ont tenté de réagir. Ce dernier a par exemple annoncé son intention de doubler ses équipes chargées d'enlever les contenus indésirables, soit 20 000 personnes d'ici fin 2018. Il est également question toujours pour Facebook, mais aussi pour Twitter, de jouer la transparence sur l'origine du financement des publicités. Pour autant, ces sociétés ne sont pas juridiquement responsables pour la plupart des contenus publiés sur leurs plateformes. « Le coeur de notre activité c'est d'être une entreprise de technologie, nous employons des ingénieurs. Nous ne recrutons pas des reporters, personne n'est journaliste, nous ne couvrons pas les actualités », avait eu l'occasion de lancer il y a quelques semaines Sherlyl Sandberg, la directrice des opérations de Facebook.

Gare en tous cas à ceux qui n'emploieraient pas les moyens nécessaires pour stopper - ou du moins limiter - la propagation de contenus et publicités indésirables et pilotées par un Etat au service de la désinformation. Car Google, Facebook et Twitter pourraient tout simplement être contraints et forcés par un éventuel fardeau législatif, Washington se gardant la possibilité d'imposer une réglementation afin de protéger les intérêts de la nation. Une perspective qui ne semble pas vraiment réjouir tout le monde, en particulier le président exécutif de Google, Eric Schmidt, qui voit d'un mauvais oeil toute tentative d'intrusion cavalière dans son business. « Je ne pense pas qu'il soit juste de demander au gouvernement de régler ces problèmes, il n'ont pas les ressources. L'industrie technologique dont Google fait partie a une responsabilité pour faire le nécessaire et ne pas être manipulé », a-t-il fait savoir.