IBM a franchi une étape dans sa quête pour trouver un successeur aux processeurs à base de silicium. Ses recherches sur les semiconducteurs basés sur des nanotubes en carbone (carbon nanotubes, CNT) ont débouché sur une méthode permettant de les placer avec précision, en grand nombre, sur des wafers. Cette technologie est vue comme l'un des moyens permettant de réduire encore la taille des puces lorsque les composants à base de silicium auront atteint leurs limites.

La méthode qu'IBM a mise au point permet de placer sur une seule puce plus de 10 000 transistors faits de nanotubes en carbone, soit près de cent fois plus que cela n'était jusqu'alors possible. Les scientifiques n'avaient en effet pu en loger jusque-là que quelques centaines à la fois. Même si le résultat qui vient d'être obtenu se situe bien au-dessous de la densité offerte par les puces en silicium du marché -puisque les actuels modèles d'ordinateurs de bureau peuvent recéler jusqu'à un milliard de transistors-  IBM y voit une avancée sur la voie de l'utilisation effective de cette technologie en informatique. Cette annonce coïncide avec la publication d'un article détaillant le sujet dans la revue Nature Nanotechnology.

Les CNT plus difficiles à manipuler à haute densité

Les derniers processeurs d'Intel sont fabriqués avec des transistors en silicium, gravés en 22 nanomètres, mais les procédés de fabrication actuels sont proches de leurs limites physiques. Intel a prédit qu'il produirait d'ici la prochaine décennie des puces d'une taille inférieure à 10 nanomètres. L'évolution vers des transistors toujours plus petits a débouché sur des puces moins gourmandes en énergie, capables de fonctionner plus vite et qui, en outre, peuvent être produites à un coût moins élevé puisqu'il est possible d'en mettre davantage sur une seule galette (wafer). Le nombre croissant de transistors sur une quantité donnée de silicium a été prédite par Gordon Moore, co-fondateur d'Intel, qui prévoyait un doublement régulier au fil du temps.

Les nanotubes en carbone, molécules de carbone en forme de tubes, peuvent aussi être utilisés comme transistors dans les circuits et à des dimensions inférieures à 10 nanomètres. Ils sont plus petits et peuvent potentiellement transporter des courants plus élevés que le silicium, mais ils sont plus difficiles à manipuler à haute densité.

Séparer les CNT métalliques des semiconducteurs

Contrairement aux puces traditionnelles, dans lesquelles les transistors en silicium sont gravés dans des circuits, la fabrication de puces utilisant des CNT nécessite de les placer sur le wafer avec beaucoup de précision. Les nanotubes en carbone semiconducteurs peuvent par ailleurs être mêlés à des CNT métalliques, ce qui peut produire des circuits défectueux et nécessite une séparation avant l'utilisation.

IBM assure que sa dernière méthode apporte une solution à ces deux problèmes. Les chercheurs de Big Blue plongent des CNT dans des solutions liquides et les utilisent pour imprégner des substrats spécialement préparés, avec des emplacements chimiques dans lesquels les CNT se logent dans l'alignement requis par les circuits électriques. La méthode élimine aussi les CNT métalliques non conducteurs.

Recherches d'IBM sur la prochaine génération de puces basées sur des nanotubes en carbone.
Le substrat est plongé dans la solution de nanotubes de carbone et les nanotubes se fixent chimiquement sur la couche dans les sillons d'oxyde d'hafnium (HfO2). Cliquer ici pour agrandir l'image.

IBM précise que cette avancée ne débouchera pas encore sur des nano-transistors commercialisables, mais qu'il s'agit d'une étape importante vers cet objectif. Avant de pouvoir défier le silicium, toutefois, il lui faudra dépasser une partie de la loi de Moore souvent négligée. Lorsque cette dernière indique que « la complexité des composants les moins coûteux a doublé tous les ans... », elle s'applique à ce que les consommateurs sont susceptibles de trouver sur le marché.