Depuis son lancement en 2014, Symphony fait figure de « Bloomberg-killer ». Son offre de chat sécurisée est moins chère que la fonction de « chat » intégrée par Bloomberg dans les terminaux utilisés traditionnellement par les traders. La plate-forme de messagerie et de collaboration sécurisée a fait ses premiers pas chez Goldman Sachs. Utilisée comme outil de chat interne, elle permet aux employés de communiquer en toute sécurité et de partager facilement des documents sensibles. Aujourd’hui, Symphony est valorisée à plus de 1 milliard de dollars, et compte 235 000 abonnés, aussi bien des commerçants, des gestionnaires de portefeuille que des commerciaux et des gestionnaires de risques. Parmi ses clients, elle compte JP Morgan Chase, Citigroup, Goldman Sachs et Nomura.

Mais pour David Gurle, CEO de Symphony, le système de messagerie sécurisé de l’entreprise ne s’applique pas uniquement aux traders des services financiers et il existe d’autres secteurs hautement réglementés où ces outils ont un intérêt. C’est le cas par exemple de la santé, de la défense, de la justice et de l’administration, auxquels Symphony vend également sa solution. Et l’entreprise compte bien y gagner encore plus de marchés dans l'année à venir. « Bien que nous nous concentrions actuellement sur les services financiers, un certain nombre de clients d'autres secteurs de l'industrie sont en train de nous rejoindre », a déclaré David Gurle. L’officialisation de cette stratégie vers d'autres secteurs que la finance aura lieu début 2018. « Il y a beaucoup d’opportunités sur les marchés où la sécurité de l'information est très sensible et sur les marchés fortement réglementés », a-t-il déclaré.

Une vision élargie de la collaboration

Les utilisateurs d'applications comme Slack ne seront pas dépaysés par les outils de collaboration de Symphony. En plus des fonctions de chat courantes, la plateforme prend aussi en charge le partage d'écran, les appels vocaux et vidéo. Comme c'est le cas d'autres solutions de collaboration d'entreprise, Symphony s'intègre également avec des outils tiers, notamment Box, Atlassian JIRA, Trello, Salesforce et GitHub. David Gurle estime aussi qu'il s'agit d'une plate-forme ouverte, citant en guise d’exemple des intégrations avec des fournisseurs de données comme Dow Jones et un partenariat avec Thomson Reuters, vendeur du terminal Eikon, concurrent de celui de Bloomberg.

Le mois dernier, lors de sa conférence utilisateurs organisée à New York, Symphony a dévoilé de nouvelles évolutions. En particulier une fonction permettant de discuter avec des clients externes en utilisant son canal de communication sécurisé. Mais aujourd’hui, de nombreuses applications de collaboration d'équipe importantes comme Slack, Microsoft Teams et Facebook Workplace, proposent des canaux partagés. David Gurle fait valoir que sur ce marché florissant et déjà très compétitif de la messagerie et de la collaboration entre équipes, Symphony possède un avantage par rapport à ces acteurs qui, de façon générale, ne ciblent pas les industries réglementées. Dans une note interne du 3 octobre rapportée par Business Insider, le CEO déclarait que Symphony poussait dehors « Slack, Skype for Business et Teams sur tous les comptes où nous sommes en concurrence avec eux ». Cependant, même si Symphony est en rivalité avec ces produits, il ne se considère pas comme un concurrent direct de ces outils de collaboration qui n'offrent pas les mêmes fonctionnalités de sécurité et de conformité.

La sécurité comme facteur de différenciation

« Pour les fournisseurs de solutions basées sur le cloud, les niveaux de sécurité et de conformité attendus sont très, très élevés. Ce n'est pas du saut en hauteur, c'est du saut à la perche », explique le CEO. « Et les fournisseurs de services cloud - que ce soit Microsoft, Slack, Atlassian, ou tout autre - n'ont pas conçu de solutions qui réponde aux exigences de propriété, de sécurité, et de conformité active des données attendues par les acteurs du marché ». Une différence significative concerne le chiffrement de bout en bout, qui empêche que les informations sensibles soient lisibles par des tiers jusqu'à ce qu’elles atteignent la destination prévue. « La plupart des outils de collaboration ne considèrent pas encore ces fonctions de sécurité et de confidentialité avancées comme prioritaires », a déclaré M. Castañón-Martínez, analyste principal chez 451 Research. Et il est difficile d’apprécier le rôle différenciateur de ces caractéristiques. « Pour l’instant du moins, Slack ne cherche pas vraiment à s'attaquer à ces cas d’usages parce que le fournisseur pense qu’ils ne concernent encore qu’une niche », a-t-il déclaré. « En théorie, Symphony pourrait représenter une menace pour des plateformes de collaboration comme Slack, mais je ne pense pas que cela arrivera ».

« Il semble que Symphony répond à un besoin auquel Slack ou Microsoft Teams ne peuvent peut-être pas répondre », a déclaré pour sa part Larry Cannell, directeur de recherche de Gartner. Mais ce dernier ne pense pas qu'un outil axé sur la collaboration sécurisée puisse concurrencer de sitôt les leaders du marché. « Ils sont généralement plus chers, ce qui les empêche de devenir un outil courant, même au sein d'une entreprise », a déclaré M. Cannell. « Je pense plutôt que certaines entreprises utiliseront Microsoft Teams et Symphony ».

Sur les terres de SecureHaze, Scattergrid, Semaphore ou Scrambl3

Par contre, en mettant l'accent sur la messagerie sécurisée, Symphony pourrait rivaliser avec les produits de startups comme SecureHaze de Raketu Communications, ou encore le système voix et vidéoconférence Scattergrid de Dispel, Semaphore de SpiderOak, ou NetSfere, Scrambl3 et TeamWire. « En fait, Symphony pourrait rivaliser directement avec pas mal de produits », a déclaré M. Castañón-Martínez. « La plupart ont été développés par de petites start-ups très spécialisées, qui s'attaquent à des technologies très complexes ».

Pour l'avenir, Symphony cherche à investir les fonds récoltés lors du dernier tour de table et à renforcer ses capacités d'ingénierie et ses équipes de vente. Parmi les investisseurs on trouve Google, des fonds de capital-risque comme Lakestar et Merus Capital, et un consortium d’une quinzaine de banques, dont Goldman Sachs, HSBC, BNP Parisbas, Citibank et Deutsche Bank.