« Il y aura bien une fin à la guerre sur le nombre de coeurs dans les processeurs. Je ne vais pas donner de date précise sur ce sujet, mais je ne m'attends pas à voir 128 coeurs sur une puce pour serveur avant la fin de cette décennie », assure Donald Newell, CTO serveurs chez AMD, qui a rejoint la société de Sunnyvale l'été dernier après avoir passé 16 ans chez Intel. « Ce n'est pas irréaliste sur une roadmap technologique, mais pour les équipes de développement, les contraintes en terme de puissance attendue par les clients sont telles que cela n'est plus réalisable avec les puces simplement équipées de plusieurs noyaux, explique-t-il, dans un entretien avec notre agence interne IDG News Service à la suite d'une présentation à New York sur le cloud computing.

Ce changement de direction sera également un grand soulagement pour les développeurs du monde entier qui peinent introduire plus de parallélisation dans leurs programmes pour mieux exploiter les architectures multi coeurs.

Jusqu'au début de la dernière décennie, l'amélioration des processeurs a principalement porté sur l'augmentation de la vitesse d'horloge. Avec chaque nouvelle génération de puces, les cadences étaient plus rapides que celles des modèles précédents. « Nous pensions que nous allions construire des puces à 10 GHz, » poursuit Donald Newell en parlant de sa précédente vie chez Intel. « Ce n'est que lorsque nous avons découvert que la puce deviendrait si chaude qu'elle pourrait traverser la Terre, que nous avons décidé de ne pas la faire », a-t-il plaisanté.

Toujours plus de transistors

Bien que la loi de Moore continue de s'appliquer sans relâche, grâce au développement
de techniques de lithographie toujours plus fines permettant de graver encore plus de transistors sur une matrice, la course s'est progressivement tournée vers la multiplication du nombre de coeurs pas puce : AMD et Intel ont proposé deux, quatre, six, huit et même douze coeurs par processeur. Mais cette course arrive à son terme, poursuit Don Newell. «Tout comme nous avons assisté à la fin de la guerre des fréquences, nous allons voir la fin de la guerre des coeurs. »

Le prochain front concurrentiel, selon le directeur technique, se situera sur le segment de l'informatique hétérogène. Au lieu d'être en grande partie composé d'un noyau unique pour les traitements généraux, les processeurs seront composés de plusieurs éléments et ressembleront des systèmes sur une puce ou des sections seront dédiées à des tâches spécifiques, telles que le cryptage, le rendu vidéo ou le réseau. De son côté, IBM a également annoncé qu'il développait des puces spécialisées pour étoffer les capacités de ses serveurs.

AMD a également commencé à travailler  dans cette direction avec sa prochaine gamme de processeurs Brazos (nom de code Ontario) pour netbook et PC portables, attendus en 2011. La société a baptisé ses puces APU, ou Accelerator Processor Unit, car elles combinent des unités de traitement de type CPU et le GPU dans un seul coeur. « Rien ne nous empêche de mettre des éléments spécifiques dans un coeur pour accélérer certains traitements » souligne Don Newell. « Alors, vous pouvez vous attendre à voir émerger des architectures hétérogènes où nous intégrerons les fonctions que nous estimons très utiles, mais qui ne doivent pas être directement greffées à l'architecture x86. » Si ces composants dédiés dans le coeur des puces peuvent effectivement agir comme des « coprocesseurs », « nous mettons au point un ensemble d'outils techniques pour intégrer plus facilement ces éléments dans l'architecture [x86]. »

Des travaux similaires chez Intel

Intel, qui flirte avec sa plateforme exploitant 80 coeurs, semble également se diriger vers ce type de technologie. La prochaine génération d'architecture de puces pour PC, Sandy Bridge, rassemble dans un même coeur CPU et GPU. Finalement, la technologie peut même aller jusqu'à concevoir des «circuits reconfigurables », qui font penser à la technologie FPGA (Field Programmable Gate Array), longtemps prometteuse, mais jamais vraiment utilisée en informatique. «Ce n'est pas encore sur notre feuille de route, mais d'un point de vue technologique, on peut entrevoir une prochaine direction. »


Une autre réalité pour la conception de puces est la question de la gestion d'énergie.
« Il fut un temps où c'était la dernière chose prise en compte», note le directeur technique. «En 2004, la valeur essentielle n'était que la performance ». Après cela, les fabricants de puces ont commencé à prendre en compte le ratio puissance/efficacité énergétique dans leurs travaux de conception pour répondre aux demandes des clients. Depuis plusieurs années, AMD, comme Intel, ont intégré  de nombreuses fonctionnalités d'économie d'énergie pour réduire la puissance consommée, mieux contrôler la gestion de l'alimentation, et mettre en sommeil les coeurs non utilisés.

Illustration : Donald Newell, CTO d'AMD