« Aujourd'hui, une fille de seize ans peut contrôler exactement son image sur Facebook comme Beyoncé, en choisissant les bonnes photos, les bons selfies » a affirmé Raphaël De Andréis, directeur général d'Havas Media Group [en illustration], en introduisant la présentation de l'étude « Les Français et leurs données personnelles : quelle place pour les marques ? » le 25 septembre 2014. L'attitude de cette personne n'est évidemment pas universelle et chaque internaute va réagir avec ses données personnelles de manière différente.

Que va-t-il partager ? Que va-t-il accepter ? Sous quelles conditions, notamment de la part d'entreprises ? Havas Media Group a ainsi défini cinq profils d'internautes français : les Data Paranos (36% de la population), les Data Fatalistes (27%), les Data Natives (24%), les Data Stratèges (9%) et les Data Détendus (4%). Chaque type nécessite une approche marketing spécifique.

Cette étude « Les Français et leurs données personnelles » est destinée à devenir un baromètre régulier. En effet, depuis environ un an et demi, Havas Media Group a fait de la donnée le moteur de son activité autour de la stratégie DDOG (« Data Driven Organic Growth », croissance organique dirigée par les données) : maîtriser les données permet la croissance du chiffre d'affaires des clients du groupe de conseil en communication. Raphaël De Andréis relève : « fondamentalement, le métier de media planner continue de consister à cibler le moins mal possible des clients potentiels avec un budget donné mais nous sommes passés de vagues statistiques à une science de grande précision grâce à l'explosion des données. »

Améliorer le ciblage mais sous conditions

Le travail autour de la stratégie DDOG a commencé avec un constructeur automobile. Le problème de celui-ci était simple : 90% des personnes qui voient une campagne de communication au bénéfice d'une automobile ne sont pas en mesure d'acquérir une voiture à ce moment là. Il fallait donc améliorer le ciblage de manière à toucher des personnes qui peuvent effectivement engager un acte d'achat. Le travail fait en France autour de cette marque est actuellement en cours d'extension à l'ensemble du groupe pour toutes ses marques dans le monde.

Or l'amélioration du ciblage passe par la captation et le traitement de données personnelles. En France, il existe un rapport très ambivalent face à l'exploitation des données personnelles. Havas Media Group avait donc l'obligation de mieux comprendre le rapport des Français aux datas.

Une prise de conscience mais pas nécessairement une allergie

L'imaginaire collectif est nourri de faits (les révélations d'Edward Snowden, le constat du « retargeting » des publicités en fonction des comportements de navigation...), de discours médiatiques (le hacker danger public qui vole les données personnelles au hacker héros), de fictions (de Terminator/SkyNet à Big Brother)... Il en résulte une certaine prise de conscience voire certaines craintes. A l'inverse, Nicolas Felton, héraut du Self Quantified, réalise son rapport annuel personnel d'activités qu'il met en ligne.

93% des répondants à l'enquête de Havas Media Group sont bien conscients de la captation de leurs données. Et 46,6% admettent que cette captation suivie d'une exploitation par des entreprises peut leur apporter des avantages. Si partager ses centres d'intérêt ne pose aucun problème (75% des répondants l'acceptent), des informations générales anonymisées (48,3%) et des comportements de navigation (34,7%) posent davantage de questions. Les coordonnées personnelles, les mails et surtout les contacts, par contre, sont globalement considérés comme ne devant pas être partagés.

La réglementation plébiscitée

Si 90% des Français veulent une réglementation précise sur les traitements de données personnelles, 28,5% seulement estiment pouvoir se protéger personnellement contre les dérives. Les principales craintes sont les usages frauduleux (comme l'usurpation d'identité, des problèmes bancaires... 74,3% des répondants), la révélation de données intimes (53%) et la surveillance visant à la sécurité publique (46,7%). Ces craintes varient beaucoup selon l'âge et le sexe. La fraude est ainsi largement une crainte chez les personnes âgées et les femmes, moins chez les hommes jeunes.

La sécurisation des données personnelles passe, selon les répondants à l'enquête, par l'emploi systématique de pseudonymes, la sécurisation des paramètres d'accès, la limitation des informations laissées en réponse à des formulaires sur Internet et, enfin, en privilégiant des sites de confiance. Malgré tout, 10% environ des internautes ne font rien pour se protéger, dont la moitié par négligence, le tiers par confiance naïve et le solde par méconnaissance.

Maîtriser ses données et obtenir des avantages

La nette majorité des internautes veut donc maîtriser ses données personnelles. Elle cherche à rééquilibrer sa relation avec les marques. Autrement dit : en échange des données personnelles choisies, les internautes attendent des contreparties. Il peut s'agir d'une absence de publicité dans les contenus consultés, de réductions sur des achats, d'un système de points de fidélité permettant d'obtenir des avantages voire des cadeaux divers. 70% des répondants sont prêts à laisser suivre leur comportement de navigation contre une rémunération sonnante et trébuchante. Les hommes et les jeunes sont, de ce point de vue, les plus gourmands. Les seniors, à l'inverse, sont réticents à l'idée de vendre leurs données personnelles.

Les marques doivent adapter leurs attitudes à chaque typologie. Si rien de particulier n'est attendu par les Data Détendus, les Data Paranos ont besoin de sécurité et de transparence. L'identification et la confiance de l'émetteur d'une information sera essentielle et il faudra être capable de répondre aux questions sur l'usage des données personnelles. Les Data Fatalistes sont plutôt passifs et inquiets mais peuvent évoluer soit en Data Parano, soit en Data Stratège. Il convient donc de les éduquer pour les émanciper. Les Data Stratèges sont exigeants et veulent des contreparties claires à l'usage de leurs données. Il faut donc s'adresser à eux en mode business ou contractuel « tu me donnes, je te donne ». Leur devise est : « si quelque chose est gratuit, c'est que vous êtes le produit ». Le problème est de savoir jusqu'où iront leurs exigences. Enfin, les Data Natifs sont surtout préoccupés par le regard des autres mais assez peu par les marques. Pour eux, c'est très simple : la contrepartie doit être les contenus.