Chaque année, sur sa conférence re:Invent, Amazon Web Service présente un service qui entre en concurrence directe avec un éditeur qui propose le même type d’offres sur l’AWS Marketplace. Ce fut le cas, par exemple, lorsque l’opérateur cloud a lancé sa plateforme Trusted Advisor qui aide les clients à suivre l’usage qu’ils font des services AWS et fournit des recommandations afin de les utiliser plus efficacement et de façon plus économique. Avant cette sortie, il y avait toute une série de fournisseurs qui s’étaient spécialisés sur le sujet. Et l’arrivée de Trusted Advisor a entraîné une consolidation du marché, certains éditeurs étant rachetés tandis que d’autres s’échinaient à se différencier.

La même chose pourrait bien arriver cette fois dans la Business Intelligence avec Amazon QuickSight. Annoncée sur re:Invent (du 5 au 9 octobre à Las Vegas), cette plateforme d’analyse et de visualisation de données, ce qui a eu pour effet et, dans les faits, a mis un certain nombre de ses partenaires BI sur le qui-vive. « Les professionnels de la Business Intelligence vont devoir faire très attention, parce que cette nouvelle plateforme est peu coûteuse, haute évolutive et qu’elle a le potentiel qu’il faut pour perturber le paysage des fournisseurs de BI », estime Boris Evelson, analyste chez Forrester.

QuickSight utilise son propre moteur de base de données

Exactement comme par le passé pour les autres cas de figure, les éditeurs indépendants de ce marché disent que l’arrivée d’AWS sur leurs plates-bandes ne les inquiète pas. « QuickSight va servir aux visualisations peu gourmandes sur des données stockées dans le cloud AWS », pense Ashley Jaschke, directrice de la gestion produits chez Tableau Software, l’un des éditeurs les mieux placés sur le Magic Quadrant du Gartner. « Mais la majorité des entreprises ont leurs données à d’autres endroits que sur AWS », pointe-t-elle en soulignant que Tableau peut récupérer des données de différentes sources et que sa profondeur d’exploration est plus puissante. A cela s’ajoute les fonctions cartographiques, les tableaux de bord et les outils Story Points qui permettent de dérouler un scénario interactif autour des données, de « raconter une histoire ». « C’est vraiment une solution BI complète », insiste Ashley Jaschke.

De son côté, Amazon QuickSight nécessite de placer les données dans une base spécifique pour qu’elles soient analysées. Il s’agit de SPICE (Super-fast, Parallel, In-memory Calculation Engine), une nouvelle base recourant à un moteur de calcul en mémoire parallèle qui permet d’accélérer l’affichage des visualisations. Pour Ashley Jaschke, l’un des éléments qui fait la différence avec Tableau, c’est que celui-ci peut collecter et analyser des données qui se trouvent n’importe où, dans le cloud AWS, au sein d’applications SaaS comme Salesforce ou dans le système d’information on-premise des entreprises.

Amazon s'invite sur un marché juteux

Boris Evelson, de Forrester, constate que le marché BI est saturé avec plus de 50 vendeurs et que de nouvelles start-ups y font constamment leur apparition. Sans doute pour une bonne raison : ce marché est une locomotive incontrôlée qui aimante l’intérêt des entreprises à un rythme accéléré et s’accompagne d’une augmentation de l’adoption et des niveaux d’investissement qui sont consacrés à ces outils. Et voilà qu’Amazon s’invite sur ce juteux marché.

Le prix de QuickSight est très léger. En version standard, il démarre à 9$ par utilisateur et par mois sur un an (12$ au mois), avec 10 Go. Les capacités de stockage sont prises en compte dans leur ensemble au niveau d’un compte. Par exemple, si un client compte 100 abonnements utilisateurs, il disposera de 1 000 Go de capacité sur SPICE pour le compte, explique AWS sur la page du service. L’outil est actuellement disponible en pré-version. Pour l’utiliser, on peut s’inscrire sur le cloud d’AWS. L’opérateur propose aussi une édition entreprise qui dispose de capacités de transfert (throughtput) doublées et apporte du chiffrement. L’abonnement coûte 18$ par utilisateur par mois sur un an avec 10 Go (24$ au mois). Le coût du stockage dans SPICE coûte 0,25$ par Go par mois en version standard et 0,38$ pour l’édition Enterprise.

Un bon outil pour les PoC BI

Au moins, QuickSight va mettre la pression sur les prix des fournisseurs BI, note Boris Evelson. A titre de comparaison, l’offre cloud de Tableau démarre à 500$ par utilisateur et par an, tandis que la version sur site (Desktop) coûte 999$ par utilisateur et par mois. Ce sont évidemment les éditeurs qui réalisent les marges les plus importantes sur des solutions on-premise qui seront les plus touchés par l’offre QuickSight.

Pour l’analyste de Forrester, cela en fait un bon outil pour les Proof of Concepts pour les entreprises qui veulent démarrer en BI, en particulier pour ceux dont les applications tournent depuis l’origine dans le cloud d’AWS. Toutefois, le TCO sur la durée de vie du produit et le manque de connecteurs avec d’autres applications d’entreprise signifie qu’il présentera des limites pour certains clients, ne manque pas de souligner Boris Evelson. Mais la rapidité de déploiement de QuickSight et sa capacité à permettre à tous les utilisateurs d’une même équipe d’y accéder rapidement en font une proposition BI assez puissante, conclut-il. AWS compte donc désormais parmi les fournisseurs d’outils BI dans le cloud, au même titre que Saleforce avec son cloud Analytics et Microsoft avec PowerBI. C’est une progression naturelle pour les opérateurs de cloud d’offrir des capacités d’analyse pour des données déjà stockées sur leur plateforme. Mais cela se fait aux dépens des éditeurs indépendants qui ont investi les premiers cette opportunité de marché.