Depuis le lancement public de sa plate-forme de communication collaborative, il y a deux ans, Slack a largement conquis les entreprises, en particulier grâce à son modèle économique freemium, mais aussi grâce un soutien enthousiaste des investisseurs. Aujourd'hui, la plateforme revendique 2,3 millions d'utilisateurs actifs par jour, plus de 675 000 utilisateurs payants et plus de 64 millions de dollars de revenus récurrents annuels. Autant dire de bonnes opportunités que n’ont pas manqué de flairer d'autres entreprises. Deux nouveaux prétendants, entrés en scène cette semaine, espèrent bien prendre une part de ce gâteau. Mercredi, SpotCues a fait la première incursion en lançant ce qu’il appelle le premier réseau social contextuel de l'industrie qui tient compte de la localisation des utilisateurs. Et jeudi, c’était au tour de Kore de lancer une plate-forme de messagerie « basée sur des bots».

Les deux approches sont différentes, mais l’objectif est le même : faire mieux que Slack. « Slack a rendu ce marché extrêmement visible », a déclaré Adam Preset, analyste et chercheur principal chez Gartner. « Les concurrents sont en train d’étudier si Slack pourra capter la totalité de ce marché et essayent de voir si les individus, les équipes et les entreprises pourraient avoir envie de quelque chose de différent ». Pour ce qui est de SpotCues, la startup parie sur une technologie qui utilise le WiFi ou le gardiennage virtuel – le Geofencing – pour créer un réseau social localisé. Sa solution permet aux utilisateurs de se connecter au réseau en temps réel, d'interagir avec les utilisateurs mobiles qui se trouvent à proximité et d’accéder à des applications spécifiques disponibles en fonction de la localisation. SpotCues vise d’abord les grandes entreprises en mettant l’accent sur la connexion et l'engagement des employés, mais la startup prévoit également de se développer dans d'autres communautés organisées. « Les entreprises attendent depuis longtemps un outil de collaboration sociale basé sur les appareils mobiles qui renforce la culture d’entreprise », a déclaré Praveen Kanyadi, cofondateur de SpotCues.

Des bots préconfigurés pour se relier au API 

Quant à Kore, elle parie sur les « bots », ces programmes légers qui se connectent avec des applications de tierce partie et avec les systèmes d'entreprise via des API. Essentiellement, les robots permettent aux utilisateurs de communiquer avec les applications et les systèmes d'entreprise via la même interface que celle qu’ils utilisent pour discuter avec leurs collègues. Plus de 100 bots préconfigurés, inclus avec la solution de Kore, permettent une intégration avec divers logiciels d'entreprise. Kore collabore également avec SAP pour en proposer un plus grand nombre. Avec sa solution, la startup promet de rapprocher la communication collaborative des systèmes d'entreprise « au travers d’une interface simple et moderne que les gens devraient apprécier », a déclaré Raj Koneru, le CEO de Kore. « En outre, la solution permet aux DSI « d’exercer un contrôle et d’avoir la main sur la sécurité », a-t-il ajouté.

Même si Slack mobilise beaucoup l’attention en raison de ses succès rapides et de sa position de leader de facto, « le sujet concerne bien la place de la communication collaborative dans l’entreprise », a déclaré TJ Keitt, analyste senior chez Forrester. « C’est un gros problème pour les entreprises. Le marché de cet important secteur des communications unifiées représente 42 milliards de dollars environ au niveau mondial », a estimé l’analyste de Gartner. « C’est donc un énorme marché. Et même si la part de la messagerie est relativement modeste, cela représente quand même beaucoup d’argent ». Selon Vanessa Thompson, vice-présidente de la recherche chez IDC, « il y a même beaucoup de place pour la concurrence ».

Les géants du logiciels pourraient se réveiller 

Slack a bénéficié d’un bon timing et de bonnes relations publiques qui ont permis de toucher les « yeux et les oreilles » de capital-risqueurs. Mais l’entreprise a également montré qu’il existait d’autres solutions pour résoudre un « défi structurel de plus en plus important dans l’entreprise » : « mieux faire travailler ensemble les salariés », comme l’a déclaré Vanessa Thompson. « Les pratiques collaboratives doivent converger entre les espaces de travail, le présentiel, la messagerie, les groupes, les flux d'activité, la voix et la vidéo », a-t-elle expliqué. « De nouveaux produits peuvent proposer un ensemble de capacités en natif ou se connecter avec d'autres services pour répondre à des besoins plus larges », a-t-elle ajouté.

Souvent, les entreprises utilisent plusieurs outils de collaboration. « Il y a quelques évolutions en cours, mais les entreprises vont s’appuyer en parallèle sur divers applications dans le genre de Slack pour répondre à des besoins différents », a encore déclaré la vice-présidente de la recherche d’IDC. Il n’est pas certain que Slack continue à dominer le marché. « Il y a notamment un risque : de très gros éditeurs comme Microsoft, Google et IBM pourraient décider de créer un outil semblable à Slack et l’ajouter à leurs portefeuilles de collaboration et de productivité », a déclaré l’analyste senior de Forrester. « Pour assurer la croissance à son activité, Slack devra faire évoluer sa plate-forme, et cela présente aussi des risques », a-t-il ajouté. Le paysage concurrentiel peut changer à mesure de l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché, mais une chose est certaine : l’importance de ce secteur va continuer à s’affirmer. « Le message, c’est que la collaboration doit être pensée de manière atomique », a déclaré Adam Preset. « Les entreprises pour qui la communication est essentielle voudront assurément la plate-forme de messagerie qui répond le plus à ce critère ».