Tous les établissements d’enseignement, de la primaire au supérieur, sont confrontés au défi d’organiser en quelques jours leur fonctionnement à distance, conformément aux directives de confinement imposées par le Gouvernement. Habituées aux plateformes d’apprentissage en ligne, les écoles d’informatique ont été les premières à assurer la continuité de leurs formations en basculant leurs cours en téléprésentiel. Toutefois quelles sont les méthodes à adopter pour assurer une pédagogie de qualité non présentielle ? Quelles sont les erreurs à ne pas commettre ? L’Esiea, un réseau d’établissements dédiés à l'enseignement et à la recherche en sciences et technologies du numérique a proposé solidairement de partager son expérience et ses bonnes pratiques en la matière, à tous les établissements d’enseignement du pays. Pour Loïc Roussel, directeur général du groupe, la mise en place d’une formation en e-learning nécessite des outils pédagogiques, cours et supports, adaptés au online. Il recommande aux organismes de limiter le recours aux formations synchrones, c’est à dire basées sur des échanges d’informations en direct, par visioconférence ou téléconférence, "Dans une formation synchrone, l’échange avec les autres apprenants ou avec les enseignants s’effectue en temps réel”, explique-t-il. Or, ce mode direct, trop court ne permet pas toujours aux étudiants de pouvoir interagir dans les temps ni de revenir sur des cours passés et peut parfois poser des problèmes de saturation", ajoute-t-il.

Pour le dirigeant, à l’inverse le suivi en mode asynchrone qui permet d’échanger en différé donne aux apprenants la possibilité d’accéder en ligne à leurs sessions à n’importe quel moment et de pouvoir poser leurs questions en temps et en heure. “Il faut favoriser l’accès aux ressources pédagogiques à tout moment”, insiste-t-il. Parmi les méthodes d’e-learning qui fonctionnent bien figure également celle de la classe inversée, une forme d’enseignement qui favorise le tutorat par des pairs. “Cette approche permet à l’étudiant d’endosser le rôle du professeur en mutualisant son savoir éducatif sur une plate-forme”, précise  Loîc Roussel. Après avoir pris connaissance d’un contenu,  les étudiants échangent sur un forum. Ceux qui sont en difficulté peuvent alors bénéficier du soutien et des explications de leurs pairs, tandis que les élèves les plus à l’aise approfondissent leur compréhension et renforcent leur apprentissage. 

Des interactions continues en classes virtuelles

En assurant depuis trois ans la continuité de ses cours en télé-présentiel, la 3W Academy fait également partie des écoles de développeurs à s’être engouffrée dans la brèche du e-learning. Djamchid Dalili, fondateur et directeur du groupe considère que la mise en place de  classes virtuelles, plus riches, a pour effet de renforcer les interactions à distance. “Dans une classe physique, le cours peut être interrompu si un étudiant est en difficulté, alors qu’en télé-présentiel, les interactions entre apprenants et enseignants sont continues”, témoigne ce dernier. Mais avant cela, il faut-il s’équiper des outils pédagogiques adéquats. Les logiciels de gestion de l’apprentissage (LMS ou learning management system) permettent de fournir et gérer le contenu d'apprentissage. Le LMS propose un environnement d'apprentissage disponible partout et à tout moment pour déposer et suivre des tests et des formations en ligne. “Nos cours sont dispensés via une plateforme de LMS depuis le premier jour d’existence de l’école et cela n’a pas changé”, nous confie le directeur de la 3WAcademy. Les étudiants sont en communication directe et continue avec le formateur et leurs camarades de classe, tout au long de la journée de cours, grâce à un système de visioconférence et de partage de documents.

Les systèmes d'apprentissage à distance ou LMS sont très répandus dans le monde éducatif. Crédit: D.R 

"Le formateur a aussi la possibilité de consulter le travail des apprenants à tout moment, de prendre la main sur leur code, de partager leur écran, comme dans une classe”, ajoute Djamchid Dalili,Pour cela, il suffit d’un ordinateur avec un navigateur et d’une connexion internet. Au menu, un accès à tout ce dont les étudiants ont besoin pour apprendre : environnement de développement en ligne collaboratif, salle de conférence, tchat, plateforme de partage de fichier, ainsi qu’à un forum  pour échanger avec d’autres professeurs et étudiants extérieurs à l’école. Toutefois, pour que l’enseignement à distance soit efficace, il ne faut pas négliger l’aspect humain. “L’apprentissage distanciel exige un soutien technique humain”, insiste le fondateur de la 3WAcademy. Pour assurer ce rôle, les enseignants doivent pouvoir s’approprier les outils numériques disponibles sur le marché. C’est dans ce but que France Université Numérique a décidé d’ouvrir 470 MooCs pour accompagner la numérisation de l’enseignement.

Un apprentissage basé sur des outils existants 

L’école Epitech est elle aussi concernée par la directive de confinement comme l'ensemble des autres établissements de toutes les villes de France. Pour autant, les activités pédagogiques de ses étudiants ont été maintenues par le  travail à distance, avec des outils déployés au sein du réseau depuis plusieurs années.  “Nous n’avons jamais été partisans de la culture du “tout refaire” , déclare Emmanuel Carli, directeur général de l’école. Depuis 2013, les étudiants et les équipes pédagogiques sont d’ores et déjà sensibilisés et formés aux méthodes de télétravail qui s’appuient sur l’outil Teams de la suite Microsoft auquel ils ont tous accès et qu’ils maîtrisent déjà pour l’utiliser au quotidien”, précise-t-il. L’ensemble des activités est donc assuré via ce même outil, qui permet visioconférences, discussions, partages d’écran et de fichiers, ainsi que de nombreuses connections avec la très grande majorité des outils de gestions de projets informatiques utilisées dans le monde professionnel. Des aménagements sont également réalisés pour favoriser l’interaction et l’engagement de tous. “Ces solutions ont pour effet de rendre  les étudiants plus agiles, constate Emmanuel Carli. En utilisant le tchat, ou la visioconférence les équipes - postbacs, Bacs +2 et Bac°5 - qui n’ont pas les mêmes besoins ni la même expérience peuvent s’entraider et échanger entre elles. Une attention particulière est accordée aux étudiants de 1ere année qui sont suivis de près par leurs référents pédagogiques.

Teams, la solution collaborative de Microsoft s'est très vite imposée pour assurer l'enseignement à distance des étudiants d'Epitech. Crédit: Microsoft. 

L’activité projet qui représente la très grande majorité des travaux des jeunes élèves ingénieurs est complètement maintenue. Les équipes pédagogiques restent en activité et continuent d’accompagner à distance les étudiants sur leurs projets, précise Emmanuel Carli,  De leur côté, les périodes de stages seront décalées, et les examens en présentiel adaptés ou repoussés. Les événements spécifiques de l’école et de l’écosystème sont étudiés au cas par cas. A l’international, les étudiants dont l’université d’accueil propose un enseignement à distance poursuivront leur cursus et valideront pédagogiquement l’année comme initialement prévue.  Ceux qui ne pourraient pas suivre un enseignement à distance, se verront proposer une solution alternative.

Interrogé sur les conséquences de la pandémie, le directeur d'Epitech estime que le sujet de fond, le plus essentiel à notre avenir sera celui des flux de toute nature : capitaux, produits, humains. "Il nous faudra les redéfinir, ce n’est qu’au travers de cela que nous pourrons reprendre la maitrise sur notre avenir, retrouver un développement économique équilibré, réduire les émissions, et ainsi rendre le monde dans une nouvelle ère celle de l’équilibre", estime t-il. N’oubliez pas que nous vivons dans un monde analogique, un monde physique, pas quantique ou numérique et la somme des forces est toujours égale à zéro", rappelle ce dernier. "Allez trop loin dans un sens et une force contraire  se met en place et vous rappellera tôt ou tard vos excès".