Pour l’inauguration du refroidissement river cooling mis en place dans les datacenters à Marseille (en service depuis juillet 2021 en fait), les bonnes âmes s’étaient données rendez-vous sur le port de la Joliette, à savoir Fabrice Coquio, président d’Interxion France, Audrey Gatian, adjointe PS au maire de Marseille en charge des politiques de la ville et des mobilités, Jean-Bernard Levy, directeur général d’EDF, et Sylvie Jéhanno, PDG de Dalkia. Pour refroidir plus efficacement les équipements informatiques installés dans ses deux bâtiments, la société a travaillé avec Dalkia Smart Building, Schneider Electric, Cap Ingelec et Victaulic pour exploiter les eaux souterraines de la Gardanne. Une galerie à la mer construite de 1890 à 1905 pour canaliser le ruissellement de l’eau et éviter les inondations dans les mines de charbon de la ville.  À 14°, l’eau douce de la rivière souterraine est pompée, puis transportée sur deux kilomètres jusqu’aux installations d’Interxion – l’eau passe d’ailleurs de 14 à 15° - afin de refroidir les baies de serveurs et de stockage qui ne doivent pas excédées la température de 45°. À la sortie, l’eau, réchauffée à 30°, est rejetée dans le port de Marseille puisqu’aucune exploitation de ces calories n’est encore actée.  Cette utilisation de l’eau froide pour refroidir un datacenter n’a rien d’exceptionnel, nous avions visité en 2014 un datacenter à Stavenger en Norvège qui exploite les eaux du Fjord pour refroidir les installations des salles informatiques.    

Inauguré en 2014, le datacenter Green Mountain en Norvège pompe de l'eau de mer à 8° pour refroidir les armoires informatiques. (Crédit Schneider)

Avec cette installation river cooling qui pompe 2 000 m3 à l’heure - sur un débit total de 2 900 m3 - l’hébergeur américain compte économiser près de 22 mégawatts de froid, puisque jusqu’à présent les deux datacenters utilisaient un système de type free cooling avec des unités de refroidissement installées sur le toit des immeubles. Interrogé sur les économies escomptées avec le passage au river cooling, le dirigeant de la société nous a simplement précisé que le PUE est passé de 1,6 à 1,2 avec une facture revue à la baisse pour les clients (Amazon, Microsoft, Oracle, Société des eaux de mer de Marseille…). La gestion très fine du système permettant d’ailleurs d’ajuster au plus près le refroidissement des équipements en fonction des plages d’utilisation.   

Des calories dont personne ne veut  

Reste la question de l’utilisation des calories résultant du passage de l’eau souterraine dans les gaines des datacenters. Cette masse liquide à 29/30° est pour l’instant expulsée dans les eaux du port (entre les portes 2 et 3), dont la température oscille entre 15 et 24° suivant la saison, avec un impact à évaluer sur l’écosystème marin. Interrogée sur la réutilisation des calories, offertes par la société, l’adjointe à la mairie de Marseille - pourtant présente à la conférence de presse - a été très évasive sur le sujet : « Je ne sais pas pourquoi personne ne veut des calories ». Dalkia qui a signé un engagement pour réutiliser les eaux de la rivière d’ici 2025 peine à finaliser le projet puisque la zone du port est coupée du reste de la ville avec très d’habitations et de bureaux à proximité. Un acteur local nous a indiqué avant la conférence de presse que le projet de réutilisation des calories avait été abandonnée. Mathieu Hulot, de Dalkia Smart building, nous a précisé qu’un premier projet avec la mairie était effectivement passée à la trappe puisque personne ne souhaitait financer l’exploitation de l’excédent calorique pour le chauffage (eau et radiateur). Un second projet est envisagé par Dalkia grâce au raccordement des eaux des datacenters sur la station de pompage Massileo (Thalassothermie à l’origine), qui pourrait contribuer à alimenter le programme EuroMéditerranée 2 dans les quartiers Nord de Marseille. Le raccordement est d’environ 500 mètres selon le représentant de Dalkia.   

  

La station Massileo pourrait récupérer les eaux chaudes des datacenters du port de Marseille. (Crédit Massileo)

Ce n’est pas la première qu’un opérateur de datacenters éprouve des difficultés pour exploiter les calories dégagées par les salles informatiques. En région parisienne, les projets sont également au point mort à la Courneuve dont le maire Gille Poux aurait préféré voir s'installer une école et des logements à la place du mégacentre en forme de camembert le long de l’A86. Les datcenters sont une activité très lucratives pour les opérateurs, mais génèrent au final très peu d'emplois directs (plombiers, électriciens et agents de sécurité principalement). Très énergivores, les datacenters cherchent encore la bonne martingale pour concilier efficacité et communication verte.