Aujourd'hui réfugié en Russie en attendant de bénéficier de l'asile politique au Brésil, Edward Snowden a mis à jour les pratiques les plus occultes de la NSA, son ancien employeur. Consultant en informatique, souvent décrit par ses anciens confrères de l'agence gouvernemental comme un véritable génie, E. Snowden était jusqu'en juin dernier employé à la NSA avec un haut niveau de sécurité. Il avait pourtant été précédemment remercié par la CIA en 2009 après des soupçons de tentatives d'accès à des systèmes sans autorisation. Il travaillait à l'époque comme technicien au bureau de la CIA à Genève après avoir rejoint l'armée américaine en 2003. A la CIA, il avait montré un certain talent pour le développement. C'est apparemment à ce moment-là que remonte sa déception vis-à-vis du gouvernement américain. Et, après avoir espéré qu'une nouvelle administration dirigée par Barack Obama introduirait certaines réformes, il s'est durci en voyant au contraire progresser les pratiques qu'il contestait.

Le rapport de la CIA sur E. Snowden, apparemment inconnu de la NSA, notait des changements dans la personnalité et les habitudes de travail d'E. Snowden et citait des tentatives pour accéder illégalement à des fichiers informatiques confidentiels, selon Time. L'évaluation de Snowden par la CIA, et ses soupçons, n'ont pas été transmis à la NSA ou à ses sous-traitants. Cette note dérogatoire du superviseur de la CIA a refait surface seulement après que les enquêteurs fédéraux aient commencé à évaluer les fuites de Snowden sur des documents classifiés un peu plus tôt cette année.

Après la CIA, E. Snowden a travaillé pour Dell comme sous-traitant à la NSA au Japon. Il a ensuite été envoyé en mission à Hawaï -toujours à la NSA- comme un employé contractuel de Booz-Allen Hamilton. En juin dernier, le consultant en informatique avait expliqué au Guardian qu'il était prêt à sacrifier son emploi bien rémunéré et sa vie confortable à Hawaï parce qu'il ne pouvait pas, en conscience, laisser le gouvernement américain détruire, « avec cette machine de surveillance massive qu'ils ont secrètement construit », la vie privée, la liberté d'Internet et les libertés fondamentales des gens dans le monde.

Des révélations très bien documentées

Le jeune homme âgé de 29 ans a en effet dévoilé le développement du programme de surveillance Prism, par lequel le gouvernement américain aurait eu accès à des données gérées par plusieurs acteurs majeurs du web. Dans un article du Guardian où il dévoile son identité, il explique au quotidien d'information britannique (avec lequel il a partagé des documents sensibles), qu'il a été motivé par le désir d'informer le public sur ce qui était fait en leur nom et contre eux. Parmi les documents partagés avec le Guardian figuraient des informations concernant l'accès aux données de clients Verizon par le gouvernement américain, ainsi qu'à des données d'utilisateurs de services Internet fournis par Microsoft, Google, Facebook, Yahoo et d'autres.

Depuis les révélations de M. Snowden, on en sait plus sur les pratiques des agences de renseignement américaine (NSA), britannique (GCHQ), française (DGSE), suédoise (NDRE), hollandaise (JSCU) ou allemande (BND, MAD et BfV) qui partagent et échangent des informations. Si la NSA n'est pas la seule officine à avoir échappé à tout contrôle démocratique, les moyens engagés sont toutefois sans commune mesure avec les budgets alloués en Europe.

La fin de la vie privée ?

Pour Edward Snowden, « un enfant qui nait aujourd'hui va grandir sans aucune notion de vie privée ». C'est la crainte qu'il a exprimé dans un message diffusé la semaine dernière aux téléspectateurs britanniques. Il n'y aura plus de moment qui ne soit enregistré, de pensées qui ne soient analysées, redoute l'ancien consultant. Dans son message, Edward Snowden a souligné l'augmentation des moyens de surveillance mis en place depuis la parution, en 1949, du livre de George Orwell, « 1984 ». « Les dispositifs décrits dans le roman -microphones, caméras vidéo, TV nous observant- ne sont rien comparés à ce dont nous pouvons disposer aujourd'hui. Nous avons des capteurs dans nos poches qui nous suivent partout où nous allons ».

Depuis la révélation des programmes mis en place par la NSA, les réactions divergent, certains acteurs économiques cherchant à limiter les possibilités de surveillance, notamment les opérateurs de l'Internet aux Etats-Unis mis en cause pour avoir autorisé l'agence de sécurité à consulter les données de leurs clients. Tandis qu'en France, par exemple, la récente loi de programmation militaire étend les possibilités de surveillance.