Révélée dans une enquête menée par Associated Press, l'affaire de collecte de données de localisation par Google à l'insu des utilisateurs de terminaux Android rebondit. A l'époque, le procureur général d’Arizona Mark Brnovich avait déjà épinglé le géant de la recherche pour fraude à la consommation en mai 2020. Selon lui, le système de collecte de données de Google violait le Consumer Fraud Act (loi sur la fraude à la consommation de l’Etat). « En 2019, plus de 80 % des revenus de Google - 135 milliards de dollars sur 161 milliards de dollars - ont été générés par la publicité. Google collecte des informations détaillées sur ses utilisateurs, y compris leurs emplacements physiques, afin de cibler les utilisateurs pour la publicité. Souvent, cela se fait sans le consentement ou la connaissance des utilisateurs », expliquait-il alors dans un tweet.

Dans des documents judiciaires de l’affaire Google révélés et publiés par le journal local indépendant, Arizona Mirror, on apprend ainsi que le géant a continué à suivre la localisation des utilisateurs dans des applications tierces et à recueillir ces informations lorsque les appareils se connectaient au WiFi, même si les services de localisation étaient désactivés. Des échanges entre les employés de la firme montrent d'ailleurs une certaine crainte vis-à-vis d’une éventuelle retombée dans les médias. Un employé de Google cité dans la plainte dans une section expurgée, s'exprime à ce sujet : « cela ne ressemble pas à quelque chose que nous voudrions en première page du NYT ». Le procureur général, plus que critique à l’égard de Google, accuse la firme de continuer à collecter « la localisation par le biais de la connectivité WiFi ». « Google fait en sorte qu'un utilisateur ne puisse pas refuser cette forme de suivi de localisation, à moins que l'utilisateur ne désactive complètement la fonctionnalité WiFi de son appareil », allègue la plainte, « ce qui signifie que l'appareil ne peut pas se connecter à internet par WiFi ».

Des échanges internes accablants

La suite est déconcertante. Certains e-mails internes de Google ont été rendus publics et montrent des échanges entre employés de la firme. « Les personnes pensent simplement en termes de « localisation activée », « localisation désactivée » parce que c'est exactement ce que vous avez sur l'écran avant de votre téléphone », déclare un employé anonyme de Google dans l'un des documents nouvellement publiés en réponse à un collègue partageant une histoire sur la façon dont les utilisateurs étaient perturbés par le paramètre. On apprend également que « lorsqu'un utilisateur d'Android dont le GPS est activé sur son téléphone se rend sur le Google Play Store, où les applications sont téléchargées et mises à jour, le Play Store s'empare des informations de localisation ».

« Aujourd'hui, un ensemble de données relatives à l'utilisation et au diagnostic des appareils est réparti sur cinq paramètres, ce qui crée des conditions difficiles à comprendre pour les Googlers, sans parler des utilisateurs », peut-on lire dans un document fortement expurgé. Google, conscient de semer la confusion auprès des utilisateurs d’appareils Android, s’est surtout inquiété des retombées médiatiques de l’affaire. Selon l’Arizona Mirror, « un chat de groupe interne utilisé pour partager des nouvelles a été rapidement fermé lorsqu'ils ont commencé à discuter de l'article ».

 

Pression sur les opérateurs et fabricants

La nouvelle plainte révèle par ailleurs que Google aurait fait pression sur LG pour qu'il déplace l'emplacement du bouton de localisation sur ses téléphones vers la deuxième page des paramètres, et il semble que la demande ait été faite auprès de d’autres opérateurs et fabricants. « Google a tenté de convaincre ces opérateurs et fabricants de dissimuler les paramètres de localisation - ou de les rendre moins visibles - par le biais de fausses déclarations et/ou de dissimulations, de suppressions ou d'omissions de faits dont disposait Google concernant l'expérience des utilisateurs, afin d'apaiser leurs préoccupations en matière de protection de la vie privée », affirme la plainte de Mark Brnovich. « En réalité, Google essayait simplement d'augmenter le taux d'attachement à la localisation, qui est essentiel pour ses propres revenus publicitaires », peut-on lire ensuite.

De son côté, Google a déclaré avoir lui-même demandé au tribunal d'expurger certaines parties des documents qui ont été publiés afin de protéger les informations exclusives et confidentielles de concurrents comme Oracle. La société soutient également qu'elle a coopéré avec le procureur général et « fourni des dizaines de milliers de documents liés à l'enquête de Brnovich, et qu'elle a rendu de nombreux paramètres plus faciles à consulter ». S’éloigner de l’écosystème Google paraît bien compliqué et amène à repenser la place prédominante du géant dans notre quotidien.