Confronté à l'impossible challenge de poursuivre la course aux fréquences, alors qu'il avait basé l'ensemble de sa stratégie processeur sur cette approche, Intel a confirmé hier un virage à 180° et annoncé qu'il avait changé ses priorités de développement pour mettre l'accent sur le rapport performance par watt. Selon Paul Otellini, le nouveau CEO d'Intel, le focus est passé de l'augmentation des MHz au multi-c½ur. L'idée d'Intel est que l'abaissement de 20% de la fréquence des c½urs de ses puces, couplée à de nouvelles techniques de gravure, devrait permettre d'abaisser la consommation d'un processeur de 50%, tandis que le doublement du nombre de c½ur dopera les performances. Un exemple, Yonah, le successeur bi-c½ur du Pentium-M attendu pour le tout début 2006, est deux fois plus efficace en terme de ratio performance par Watt que le premier Pentium-M (nom de code Banias).
Cette conversion à "l'économie d'énergie" n'est pas sans impact. Comme l'explique Urs Höltze, un chercheur de Google, le coût électrique d'un serveur bi-processeur est actuellement d'environ la moitié du coût de la machine sur quatre ans. Si Intel n'avait pas remis en cause la course aux fréquences, la facture électrique de ses machines aurait rapidement dépassé leur prix….

Une nouvelle architecture pour 2006

Selon Otellini, la nouvelle stratégie d'Intel devrait se traduire par l'apparition au premier semestre 2006 d'une nouvelle architecture processeur qui sera commune à l'ensemble de ses puces. Ses principales caractéristiques, outre la gestion de l'énergie, sont la généralisation du bi-c½ur et du 64bit, ainsi que celle de technologies clés comme la virtualisation VT.
Intel lancera plusieurs plates-formes basées sur cette architecture : Merom pour les portables, Conroe pour les PC de bureau et WoodCrest pour les serveurs bi-processeur.
En terme de ratio performance/watt, Merom est annoncé comme 3 fois meilleur que Banias , Conroe 5 fois meilleur que l'actuel Pentium 4 et WoodCrest 3 fois meilleur que l'actuel Xeon DP.

Des chiffres impressionnants, qu'il convient toutefois de prendre avec quelques pincettes. Par exemple le plus gourmant des Opteron d'AMD consomme actuellement 90W contre plus de 130W pour le plus gourmant des Xeon. Ramener simplement le Xeon au niveau de son concurrent, c'est à dire à 90W, tout en le passant au bi-coeur (comme le sont actuellement les Opteron) permettrait déjà un gain de 2,3 à 2,5.
Autant dire que la nouvelle architecture d'Intel, si elle devrait être nettement meilleure que l'actuelle génération, pourrait finalement ne servir qu'à remettre à niveau les puces du numéro un mondial vis à vis celle de son lointain dauphin…
Pressé par la montée en puissance technologique d'AMD, Intel entend basculer très rapidement sa production vers les nouvelles puces. Selon Otellini, leurs livraisons devraient surpasser le niveau de celle des puces actuelles dès la fin du premier semestre.

Sinon rien…

Au-delà de cette annonce qualifiée de stratégique, la première journée de l'IDF a été cruellement vide de nouveautés. Pas un processeur ou un nouveau chipset à se mettre sous la dent. En fait, en attendant l'arrivée de ses nouvelles puces, Intel semble plus que jamais à la merci de ses concurrents qui, plus tôt que lui, ont su anticiper les problèmes que poserait l'infernale la course aux Megahertz. Ironiquement, les plans présentés par Intel et les termes utilisés, rappellent ceux utilisés par Sun depuis trois ans. Otellini a ainsi parlé de Throughput computing à propos de futures puces massivement multi-c½ur, un projet encore largement à l'état de plan, alors que les premières puces massivement multicoeur de Sun, nom de code Niagara sont attendues pour 2006. De même, l'abandon officiel de la course aux MegaHertz et le passage au multi-c½ur, valident avec trois à cinq ans de retard, les discours tenus par AMD, IBM ou Sun.

Il sera intéressant de voir comment les futures puces d'Intel se compareront à leurs concurrentes en 2006. Sur un graphique Powerpoint, les annonces d'hier sont sans nul doute impressionnantes et montrent l'étendue des ressources dont disposent le géant californien. Mais ses concurrents ne restent pas immobiles et travaillent eux aussi à doper les ratios performance/prix de leurs puces.
Comme quoi, la concurrence peut avoir du bon…