Le grand soir de l'interconnexion multi-bases de données et fichiers des forces de l'ordre l'application de prise de notes de la Gendarmerie GendNotes n'est pas encore pour demain. La levée de boucliers initiée par de nombreuses associations (Ligue des droits de l’homme, Homosexualités et socialismes, Internet Society France, Mousse, Stop Homophobie, Adheos, Familles LGBT, AIDES) a en effet porté ses fruits. D'autres parties prenantes se sont aussi jointes au mouvement (les syndicats de la magistrature et des avocats de France, le Conseil national des barreaux, la Quadrature du Net et la LICRA).

Le Conseil d'Etat a en effet annulé la possibilité de transférer les données de GendNotes vers d’autres fichiers. L'institution avait été saisie par les associations après parution d'un décret du 20 février 2020 autorisant le ministre de l’intérieur à faciliter l'exploitation et la transmission dans d'autres fichiers les données collectées par les gendarmes. Et ce, aussi bien dans le cadre de leurs actions de prévention, d'investigation que d'intervention.

Une copie à revoir

« Le pouvoir réglementaire va devoir refaire sa copie », nous a expliqué Etienne Papin, avocat associé chez Next Avocats. « Je pense qu'il y avait volonté d'avoir une disposition un peu fourre tout sans forcément de vrai projet d'interconnexion ce qu'il faudra maintenant préciser ». Sur le fond, le Conseil d'Etat ne remet pas en cause les finalités de GendNotes pas plus que ses conditions de mises en oeuvre dont il estime qu'elles sont conformes à la loi. Et ce, d'autant que la CNIL n'a pas trouver à y redire en matière de traitement des données sensibles. Le noeud du problème vient du fait que le décret ne comporte aucune indication sur la nature ou l’objet des transferts de données collectées via GendNotes qui pourraient être réalisés vers d’autres fichiers, ni sur leurs conditions d’exploitation dans ces fichiers.

« On ne sait pas de quoi on parle, donc cela ne peut pas être une finalité explicite », précise Etienne Papin. « Le jour où le décret dira que GendNotes peut être interfacé avec tel ou tel traitement, bases de données et à tel fin cela ne devrait plus poser de problème ». En attendant, les parties demanderesses se félicitent de cette décision, comme la Quadrature du Net : « La plus haute juridiction administrative a donc fait de GendNotes un gadget sécuritaire, maintenant que l’application est dépouillée des possibilités de reconnaissance faciale ». Si le décret ne fait aucunement mention de cette finalité, elle pourrait très bien être pressentie dans le cadre de cette interconnexion, au même titre que d'autres comme le fichier des traitements des antécédents judiciaires.

Du zèle à conserver trop de données tous azimuts

Ajouter dans le décret les finalités précises pourrait cependant ne pas suffire à faire passer la pilule, d'autres bâtons dans les roues du pouvoir législatif étant à prévoir. « Interconnecter les données de GendNotes avec d'autres traitements qui ont leur propre finalité et légalité pourrait provoquer l'illégalité du premier traitement », prévient Etienne Papin.

La question de l'interconnexion de GendNotes avec d'autres fichiers et bases de données tiers n'est cependant qu'un bout de l'iceberg des procédures lancées par les associations de défense des individus et de leurs intérêts. « Il s'agit d'une énième péripétie dans la tentative de certaines associations, dont je souscris la démarche, contre l'extension sans fin de la collecte d'informations de données de personnes et de leur conservation par des autorités de police », souligne Etienne Papin. « Le Conseil d'Etat a sans doute validé certains aspects de traitement un peu à la légère de cette app GendNotes sorte de minutier de toutes les interventions de gendarmes sur le terrain, dans lequel n'importe qui va se retrouver. Par exemple sous prétexte d'avoir été témoin d'un accident de la circulation, et ce, même si le temps de conservation des informations relevées et conservées de trois mois apparait relativement court. Mais on ne peut que s'interroger sur la capacité des autorités de police a toujours conserver des informations sur tout le monde, ce qui pose question, quand cela concerne des personnes qui ne sont ni condamnées, ni suspectées ».