De Louvois à l'open-bar Microsoft, le Ministère des Armées n'a guère l'habitude d'être présenté comme exemplaire en matière d'IT. C'est pourtant de véritables et chaudes félicitations qu'a adressé le secrétaire d'État au Numérique, Mounir Mahjoubi, en réponse à la présentation par Florence Parly, Ministre aux Armées, du plan « Ambition Numérique du Ministère des Armées », le 19 avril 2018 à L'Hexagone Balard. Ce ministère est en effet le premier à présenter un plan de transformation numérique globale des métiers et des processus tel que voulu par le programme Cap 2022. Le secrétaire d'État s'est notamment réjoui de la globalité de la démarche associant un socle technologique de base, un socle d'options et une évolution des métiers, notamment, puisque l'on parle de l'ancien Ministère de la Défense, une évolution des menaces à combattre.

Le bref couplet de Mounir Mahjoubi sur la nécessité d'une souveraineté technique grâce à l'open-source a dû cependant faire siffler quelques oreilles présentes dans la salle. Même si, diplomatiquement, il a précisé que cette souveraineté n'était pas une réalité si on se contentait d'utiliser les logiciels libres, puisqu'en tel cas un recours à des logiciels propriétaires qualifiés serait préférable. Il a donc rappelé l'absolue nécessité d'acquérir des compétences sur ces logiciels libres et de contribuer à leur développement afin de les maîtriser.

Une approche globale qui commence par l'acquisition de compétences

Le « défi des compétences » a été justement bien mis en avant par Florence Parly au cours de sa présentation aux côtés de de deux autres défis majeurs : les données, qualifiées de « carburant des technologies, armes et atouts », et la maîtrise de l'évolution numérique. L'héritage technique (le terme de « dette technique » n'a pas été employé) est lourd au sein du ministère et la ministre entend donc qu'un nouveau socle sécurisé puisse être mis en place, un socle capable d'abriter les services digitaux, capable de s'ouvrir, mais aussi un socle capable de garantir une sécurité absolue car le ministère gère les données les plus sensibles de l'État. Il s'agit de garantir une « ouverture maîtrisée ».

Toujours pour développer cette maîtrise des compétences numériques, la ministre a annoncé la création d'un « passeport numérique » à l'attention de tous les personnels du ministère. Il s'agit bien de permettre à chacun de s'approprier cette révolution numérique qui va transformer le quotidien du ministère. Pour Florence Parly, la France n'a pas à rougir de son développement numérique et notre pays a même vocation à jouer un rôle clé dans la révolution numérique mondiale. Pour associer au maximum la société civile (entreprises privées et publiques, enseignants et chercheurs...) à la transformation du ministère, la ministre s'est réjouie de la création du Cercle Défense Connect dont le « chef d'orchestre » est le Vice-Amiral d'Escadre Arnaud Coustillière, nommé à la tête de la DGSIC des Armées à l'été dernier. Florence Parly a d'ailleurs annoncé la transformation de cette DGSIC en DGNum sous peu.

Des objectifs stratégiques inscrits dans le quotidien du soldat

Concrètement, le plan Ambition Numérique a trois objectifs stratégiques. Le premier est de garantir la supériorité opérationnelle et la maîtrise de l'information sur les théâtres d'opération. Le deuxième est de renforcer l'efficience quotidienne des services du ministère pour faciliter la vie de chacun. Enfin, il s'agit d'améliorer la relation du ministère avec les citoyens et de développer ainsi son attractivité, notamment pour le recrutement. Le ministère a ainsi annoncé un développement des méthodes agiles, 30 % des projets devant être menés en moins de six mois. Surtout, la totalité des processus métiers devront être numérisés d'ici 2022. Tous les personnels seront donc en mesure d'opérer les actes administratifs depuis leur domicile avec une logique renforcée de « dites-le moi une seule fois ».

A côté des aspects visibles pour tous les personnels et le public, comme la mise en place de services digitaux en mode plate-forme, une grosse part du travail sera plus discrète. Il s'agit notamment du renforcement de la cybersécurité, de la rénovation des systèmes centraux et de l'intranet et de la création d'un cloud privé de la Défense. La transformation suivra ainsi six axes majeurs : déployer de nouvelles technologies, organiser l'innovation numérique, maîtriser l'ouverture des données pour mieux les valoriser, rénonver le système d'information, développer l'acculturation et les compétences numériques et assurer une veille technologique et numérique. La gouvernance, menée par la DGSIC, sera transverse, commune aux forces, aux services administratifs et à la DGA (Délégation Générale pour l'Armement, le « service achat » des systèmes d'armes).