Selon certains, l'Internet industriel des objets (IIoT) va favoriser l'adoption des réseaux 5G privés. En effet, comme on peut le lire dans un récent article signé par Markus Fasse et Stephan Scheuer publié dans le Handelsblatt Global, des constructeurs automobiles allemands comme BMW, Daimler (qui produit les Mercedes) et Volkswagen ont informé la BNA (Bundesnetzagentur), l'agence fédérale allemande des réseaux chargée de l'attribution des fréquences, de leur volonté « d'exploiter des réseaux 5G locaux ». Parallèlement, Qualcomm a déclaré qu'il travaillait sur des technologies 5G NR pour les réseaux IoT privés et industriels. Comme l'affirme le fournisseur d'équipements réseau sur son site Web, « il est possible de remplacer l'Ethernet câblé des systèmes industriels reconfigurables par son réseau 5G NR ultra-fiable et à très faible latence ».

Il est intéressant de remarquer qu'à l'origine, dans l'industrie automobile, la technologie 5G représentait d'abord une technologie radio de nouvelle génération pour faire communiquer entre eux les véhicules autonomes et leur permettre de partager de grandes quantités de données. Cette promesse vaut aujourd'hui pour les réseaux privés des usines où sont fabriquées les voitures. « Le provisionnement des réseaux 5G internes permettra aux entreprises de définir leurs propres implémentations de sécurité plutôt que de faire confiance aux opérateurs de réseaux mobiles (MNO) », ont écrit les deux journalistes. Il permettra aussi aux entreprises de conserver leurs données sensibles et propriétaires sur site.

Un marché prometteur 

Qualcomm pense également qu'il y a un marché pour des solutions privées, ou « locales » comme on les désigne parfois, qui permettraient d'imposer des « restrictions strictes en matière de confidentialité et de sécurité ». Ces réseaux ont aussi d'autres avantages. Par exemple, « la possibilité de configurer la technologie à faible latence en fonction d'exigences de performance en temps réel précises et sur mesure, indépendamment et sans interconnexion avec les réseaux publics », explique encore Qualcomm dans un livre blanc (PDF). Le fournisseur estime également que les entreprises devraient profiter de ce basculement de l'industrie vers l'IoT Industrielle, l'intelligence artificielle, l'apprentissage machine, les robots, et ainsi de suite, car il coïncide avec le développement d'une technologie 5G de faible latence, très fiable, qui permettra de remplacer les réseaux filaires classiques. En d'autres termes, le fournisseur invite les entreprises à s'emparer de la totalité du nouvel écosystème.

Toujours selon Qualcomm, comparée aux technologies LTE et Wi-Fi déjà existantes, la 5G aura davantage sa place dans les usines, car elle offre de meilleures performances. Les systèmes de contrôle des robots, qui exigent parfois d'être mis à jour à la milliseconde près, sont typiquement un domaine où de meilleures performances sont nécessaires. Le Time Sensitive Networking (TSN), cet ensemble de normes pour la mise en réseau sensible au temps, « qui apporte une solution de communication complète en temps réel » pour assurer une synchronisation efficace des machines pourrait également tirer profit de la faible latence de la 5G.

Ruée sur les fréquences

Bien sûr, la question principale reste de savoir qui fournira la fréquence. « C'est une vraie ruée vers l'or », a déclaré Jochen Homann, le directeur de l'Agence fédérale allemande des réseaux dans l'article du Handelsblatt Global. Apparemment, un grand nombre de secteurs industriels verticaux ont déposé des demandes de fréquences privées et le groupe Volkswagen a déjà engagé des tests avec le fabricant d'équipements de télécommunications Ericsson. Aux États-Unis, le Citizen Broadband Radio Service (CBRS) devrait libérer la fréquence à 3,5 GHz, pourtant située dans un spectre jusqu'ici réservé à l'usage militaire, « une solution approuvée par Qualcomm ».

En cas d'absence d'accord, les entreprises pourraient encore se tourner vers des fréquences sous licence MNO, c'est-à-dire que l'entreprise pourrait exploiter son réseau sur des fréquences MNO. Une option de type hybride, également proposée par Qualcomm, pourrait également se retrouver sur la table. Dans ce cas, l'entreprise pourrait exploiter et gérer la 5G de manière indépendante au niveau de son réseau local ou de la chaîne de production, à charge pour un opérateur de fournir les capteurs et de relier les composants du 5G privé au réseau étendu. Cependant, les deux journalistes du Handelsblatt Global se demandent si les MNO auront envie de contribuer au développement des réseaux 5G locaux ou des réseaux privés, au risque de nuire à leurs modèles commerciaux. À ce propos, Markus Fasse et Stephan Scheuer signalent que « trois grands MNO européens ont déjà déclaré qu'ils n'étaient pas favorables aux réseaux locaux 5G privés ».