Financé par le groupe IDEC, opérateur immobilier, et la Banque des territoires, liée à la Caisse des dépôts, à hauteur d’un tiers chacun, le datacenter Thésée à Aubergenville (dans les Yvelines) représente un investissement de 15 millions d’euros pour une surface exptoitable de 6 400m². A terme, ce sont trois hectares qui devraient être garantis pour faire place à un campus de six datacenters avec une conception modulaire, pour un investissement global de 100 millions d’euros. Les deux co-fondateurs de Thésée Datacenter Christophe Bouniol, son président, et Éric Arbaretaz, directeur technique, veulent construire un bâtiment supplémentaire tous les 18 à 20 mois et proposer ainsi des espaces privatifs ou de colocation à différents clients.

La construction, débutée en février 2020, devrait se terminer à la fin du mois de juin 2021 avec un mois et demi de retard dû à la pandémie. Le projet, qui a longuement mûri, voit donc enfin le jour. L’originalité se porte sur le choix de la localisation du datacenter. « L’implantation est liée au positionnement entre deux zones de datacenters, Equinix et Interxion au Nord et Scaleway au Sud de Paris, sans aucune contrainte d’énergie dans cette zone des Yvelines. Cela permet un certain rééquilibrage en Île-de-France » explique Christophe Bouniol. Autre point fort, la certification Tiers IV par l’Uptime Institute, qui constitue le plus haut niveau de disponibilité pour un datacenter. En pratique, cela se traduit par une redondance qui doit atteindre 2N+1 et une interruption annuelle qui ne doit pas dépasser 48 minutes.

Les deux co-fondateurs de Thésée Datacenter, Christophe Bouniol, président (à gauche) et Éric Arbaretaz, directeur technique (à droite) souhaitent toucher un large éventail d'entreprises, PME et grands comptes, notamment dans l'industrie 4.0. (Crédit : Thésée Datacenter)

Thésée en quête de compétitivité

La certification Tier IV – particulièrement onéreuse – permet notamment de tranquiliser les clients et surtout de répondre aux demandes des assureurs. « On vise d’autres certifications, notamment celle sur la sécurité des données ISO 27 001, celle garantissant la qualité de service des hébergeurs de santé dite HDS mais aussi la ISO 14 001 liée management environnemental et la ISO 50 001 liée à la certification management de l’énergie » précise Mr Bouniol. Avec un indicateur d’efficacité énergétique, dit PUE (Power Usage Effectiveness), inférieur à 1,2 l’entreprise entend par là avancer un argument de taille mais avec une once de retard. En effet, Interxion France présente déjà certains sites avec une efficacité énergétique égale à 1,2. Thésée compte miser sur ce point essentiel pour attirer les clients et proposer une offre en-deçà du marché francilien actuel. « Aujourd’hui, nous devons répondre à des clients qui demandent entre 12 et 15 kW. Nous devons être capables de leur réserver un espace ».

L’entreprise s’appuie sur la technologie de free cooling indirect et un processus adiabatique afin de réduire autant que possible la consommation d’énergie. Ce système de refroidissement consiste à faire circuler de l’air dans les tuyaux pour refroidir les différentes salles. « Nous utilisons six centrales de traitement d’air, de 330 kW chacune. Une seule centrale suffit pour refroidir notre première salle en rez-de-chaussée de 530 m² et d’une hauteur sous plafond de 5 mètres grâce à un plancher technique d’un mètre de hauteur qui laisse passer l’air sous la salle ». La majeure partie du temps, l’entreprise se sert de l’air extérieur pour le refroidissement diffusé à une vitesse de presque 40 km/h.

Thésée s’appuie également sur des capteurs présents en différents points de la pièce et l’intelligence artificielle – par le biais d’un partenariat avec Siemens – afin de calculer les règles d’influence entre le refroidissement et les armoires à l’extérieur. Une problématique persiste, celle de la pollution de l’air. « Nous avons un filtre à air installé mais cela ne suffit pas toujours », ajoute Éric Arbaretaz en référence au risque d’ammoniaque présent dans l’air.

Le bâtiment actuel comporte deux salles de 530m² chacune et deux chaînes distinctes électriques à sa droite. (Crédit : Thésée Datacenter)

Numérique et sécurité, deux alliés

En amont de la construction du site, un jumeau numérique a été conçu par HPE, en charge de la partie services, et Wattdesign, responsable de la partie opérationnelle. Cette réplique du datacenter Thésée, appelée 6Sigma, a permis de valider l'ensemble du système technique. « Ce jumeau sera utilisé tout au long de la vie du datacenter pour assurer sa fiabilité, sa résilience et son efficacité énergétique » précise l’équipe fondatrice. Il restera par ailleurs accessible aux clients dans une vue simplifiée via la plateforme Nuvea PaaS développée par New Generation SR, une start-up parisienne, axée sur l’optimisation de l’emplacement des applications sur les serveurs.

Côté sécurité, le datacenter a des allures de bunker avec la mise en place de sept niveaux de sécurité entre les différents périmètres du site et le cœur des environnements IT. L’ensemble des entrées sensibles sont équipées de portes métalliques blindées certifiées anti-effraction CR4 et de serrures motorisées. Face aux inquiétudes de certains suite à l’incendie d’OVH en mars dernier, Thésée certifie qu'un système de détection très élevé est mis en place pour éviter ce genre d'incident.

Thésée, garant d'une souveraineté

Afin d’être toujours plus transparent vis-à-vis du client, Thésée Datacenter facture l’énergie à la consommation, « au réel » comme les deux fondateurs l’expliquent, afin d’engager une attitude responsable. Des campagnes d’information régulières devraient être partagées avec les clients, notamment sur leur consommation en temps réel. Dans sa volonté de s'affirmer comme un acteur du futur des datacenters, Thésée joue également la carte de la souveraineté des données. « Nous échappons à la loi du Cloud Act, cela rassure les collectivités locales, les administrations, et intéresse les clients dans la sécurité pour donner suite à la volonté de l’ANSSI de garder les données des entreprises françaises dans des datacenters français » ajoute Christophe Bouniol.

« Nous accueillerons nos premiers clients dans l’été, en août, pour le set up d’abord puis nous installerons les serveurs », précise Éric Arbaretaz. Parmi ceux-ci, l’hébergeur devrait abriter les infrastructures d’un grand compte industriel français du secteur automobile. « Notre premier client demande un débit énorme de plusieurs connexions de 40 Gbt/s », précise le directeur technique. Sans tirer de conclusion hâtive, nous pouvons émettre l’hypothèse suivante, selon laquelle le client ne serait autre que l’usine Renault de Flins, située à quelques kilomètres du datacenter Thésée. Ce jeune arrivant dans l’écosystème des datacenters français ne peut toutefois se targuer de rivaliser avec des géants comme Interxion, implanté en France, à la Courneuve (1,25 milliard d'investissement au total avec les dernières tranches) et à Marseille avec pas moins de 325 millions d’euros investis en à peine 7 ans. A terme, Fabrice Coquio compte dépenser 650 millions d'euros dans la cité phocéenne avec MRS5.